C h a p i t r e troisième
Une végétation luxuriante s'étalait devant mes yeux, en passant par les palmiers aux chênes, sans oublier les classiques sapins.
Je m'approchai d'un arbre et touchai du doigt son écorce. Celle-ci se transforma aussitôt en papillons brunâtres aux taches orangées qui s'envolèrent dans le ciel. Étrange... Mais, après tout, depuis que j'étais tombée dans ce terrier, tout était de la plus grande bizarrerie...
Je m'avançai lentement, tel un nouveau né qui fait ses premiers pas. Je relevai la tête vers les longues feuilles d'un palmier avant de réaliser que j'étais si petite... J'avais oublié ! J'avais pris cette mixture des plus étrange avant d'arriver ici...
Les feuilles mortes - deux faisaient ma taille - craquaient sous mes pieds nus, brisant régulièrement le calme plat régnant en maître.
Soudainement, j'entendis une voix aiguë :
— Qu'est-ce qu'elle fait là, elle ?
Je me retournai, surprise. Un chat qui parlait, et quoi encore ?
Non, cette fois-ci, c'était une rose... Qui était à peine plus grande que moi. Évidemment, me direz-vous, je faisais littéralement la taille d'une demie pomme...
La fleur rouge - qui avait un visage, des lèvres et des yeux ! - me demanda :
— Que fais-tu ici ? Et d'abord, qu'es-tu ?
Les autres roses - car il y en avait d'autres ! - renchérirent de voix suraiguës, et l'une ajouta :
— On n'en a jamais vu de comme toi... Tu es étrange.
— Comme si vous étiez plus normales ! répliquai-je, furieuse d'être traitée comme « la bizarre » du lot.
L'une, bleu azur, soupira et dit à ses amies :
— Oh, c'est bon, on ne fait que perdre du temps avec celle-là...
Les fleurs en rajoutèrent et je m'éloignai, jugeant ayant suffisamment perdu de temps avec elles. Je m'avançai dans la végétation d'un pas plus soutenu, désirant voir où elle se terminait. Celle-ci devint de plus en plus ordonnée et moins touffue, jusqu'à faire place à un gigantesque château de pierre noire et blanche aux tours en forme de cœur serties de rubis étincelants, situé en contrebas.
L'ensemble oscillant entre ténèbres et lumières créait un espèce de plateau d'échecs, où les joyaux faisaient office de pièces... Je voyais le roi, immense cristal écarlate taillé en cœur juché en haut de la porte principale, et les deux reines à ses côtés, nettement plus petites. Car, oui, il y en avait deux...
Je dévalai l'escalier creusé à même le roc et aperçus des falaises, derrière le château, sombres et acérées comme des pics. Je voulais observer ce fameux plateau de jeu de plus près, j'accélèrai donc le pas. Simplement par curiosité...
Je finis par arriver au cœur du ravin, et je vis le pont-levis, la porte principale du château. Des gardes bizarrement rectangulaires y étaient postés, et en plissant les yeux, je découvris la cause de leur forme étrange : c'étaient des cartes !
Ces dernières m'interpellèrent d'une voix forte et je m'approchai d'elles, convaincue de leur caractère inoffensif. Je me trompais lourdement : chacun des soldats en forme de carte à jouer tenaient à la main une longue lance au bout piquant. Je ne voulais vraiment pas finir embrochée par cette arme acérée...
Une carte de sept de cœur me molesta durement en me demandant d'un ton railleur ce que je faisais ici, et pourquoi j'étais si petite... Je ne répondis pas immédiatement, insultée. Mes poings se crispèrent sur l'étoffe jaune de ma jupe, tandis que les gardes, eux, continuaient de se moquer de moi.
Un lièvre apparut soudainement aux côtés des soldats moqueurs, portant une livrée blanche et rouge, à l'image de la femme que j'avais vu dans cette galerie... Une reine toute en rouge.
Le lièvre me cligna des yeux avant de glisser vers moi un gâteau alléchant glacé, au crémage blanc. Il y était écrit mange-moi... Un peu à l'image de la boisson étrange.
Je le mangeai en une bouchée, grandissant et grandissant... J'avais désormais une demie-tête de plus que ces cartes railleuses. Elles me lançèrent un regard effrayé avant de courir vers le pont-levis pour le faire descendre précipitamment et entrer.
Le lièvre sourit et s'approcha de moi.
— Tu t'appelles comment, toi ?
Sa livrée avait une allure un peu négligée, déchirée et tachée par endroits. Il sortit de son vêtement... une montre à gousset !
— Tu es le lièvre que j'ai poursuivi en tombant dans ce terrier ! m'exclamai-je.
— Oui, opina-t-il en souriant. Enchanté de faire ta connaissance....
— Alice, répondis-je en me mettant à genoux pour lui serrer la patte. Et tu es...
— Le lièvre de Mars.
— Grand ami du chat de Chester ?
— Disons... Mais il m'énerve tant par moments !
J'hochai la tête, comprenant. Ce félin mauve qui avait l'habitude de disparaître à chaque instant... Frustrant. Je suivis le lièvre de Mars vers le pont-levis, puis nous entrâmes. La porte débouchait sur un large hall d'entrée, avec au plafond un énorme lustre de cristal noir. Peu de lumière filtrait des fenêtres, celles-ci cachées en partie par d'épais rideaux rouge sang. Encore du rouge...
Au bout du hall était placé une estrade, et dessus, un trône de fer. Une femme aux cheveux rouges y était assise, une couronne à la tête. La Reine...
•
Oui, je coupe au pire moment... Comment va réagir Alice ? Et la Reine rouge ?
•
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Com