2/11/46

— Un gouffre ? répéta Emma incrédule.

— Oui, il est trop profond pour y descendre. Sœur Krone disait vrai, mais les démons ne nous sous-estimaient pas. Surveiller un tel gouffre est inutile.

Lara ne pouvait le croire. Comment allaient-ils s'échapper avec un gouffre ? Par le pont - comme avait dit Ray ?

Ou bien trouver un moyen de le traverser, pensa la blonde en réfléchissant.

— On ne peut donc pas s'évader par le mur ? questionna Emma, soucieuse.

— Si.

Les trois autres orphelins tournèrent la tête au même moment, attendant patiemment la réponse de Norman.

— Il y a un chemin, ajouta-t-il.

Il prit une feuille blanche, ainsi qu'un stylo, et se posa sur le lit d'Emma, Lara et Ray à ses côtés.

— J'ai fait le tour du site, commença le garçon en traçant un trait. J'ai atteint un embrochement. Un côté bordant le gouffre, un autre, notre domaine.

Il traça un angle et y marqua soixante degrés. Il pointa ensuite chaque côté de l'angle.

— Ce sont les mêmes décors, des copies conformes.

Ray et Lara écarquillèrent les yeux. Ils comprirent tout de suite. Voyant leur expression changer, Norman acquiesça, et reprit :

— Autrement dit, Grace Field House est un ensemble de d'autres orphelinats, formant un hexagone et entourés d'un gouffre.

— Quant à la zone à l'ouest du site numéro trois, là où on est, le Q.G. s'y trouve sûrement. C'est le seul secteur ayant un pont. On ne peut pas traverser ailleurs.

Quelqu'un toqua soudainement à la porte. Lara fit volte-face et se tint face à la porte, prête en cas de danger. Le cœur de la blonde bondit dans sa poitrine lorsque la porte s'ouvrit. Lara soupira de soulagement en découvrant Phil.

— Norman ! s'écria le petit de quatre ans. Maman t'appelle !

— Dis-lui que j'arrive ! lui répondit l'intéressé.

— D'accord !

Et il referma la porte. Lara poussa un second soupir de soulagement, suivie de Ray et d'Emma. Que ce serait-il passé si ça aurait été Maman ?

— Bon, je vais devoir y aller, lâcha brusquement Norman en se relevant.

Ray se tourna vers lui.

— Attends Norman !

— Tiens, je te rends ça, coupa le blanc en tendant le destructeur de puce au noiraud. Je ne l'ai pas utilisé.

Lara eut comme un déclic en voyant cette scène. Elle avait eu raison, Norman n'avait jamais compté s'enfuir. Depuis le début, il leur avait menti.

— T'es sérieux ? s'écria la blonde en le prenant par les épaules. Tu ne comptais pas t'enfuir !

Lara le fixait, les larmes aux yeux.

— Tu avais dit qu'on survivrait ensemble ! Tu l'avais promis...

Sa voix tremblait. Lara ne pouvait plus le regarder en face. Alors, elle baissa lamentablement la tête, abattue.

— Oui, désolé de vous avoir menti, lui répondit-il toujours avec son sourire habituel.

— ARRÊTE DE SOURIRE !

Lara laissa ses bras retomber le long de son corps, incapable de faire quoi que ce soit.
Alors ça y est, il allait être livré ? Et il le savait depuis le début ? Il acceptait son sort ?

Ray se laissa tomber sur le lit d'Emma, sa main sur son visage. Lui aussi ne voulait pas qu'il parte, personne ne le voulait.

La blonde se posa à côté de Ray, tremblante et perdue. Son cœur se serra lorsqu'elle commença à se remémorer des souvenirs, des souvenirs chers à ses yeux.
Des larmes coulaient le long de ses joues, un voile assombri son regard, un vertige la prit.

Ça y est,

c'est la fin.

On devait partir ensemble.

C'était une promesse.

Il devait survivre et je devais me sacrifier.

Norman prit ses trois amis dans ses bras, murmurant ses paroles pleines de tendresse :

— Quelle douce chaleur... merci pour tout.

Ces simples mots, si durs, à écouter, redoublaient les larmes de Lara.

— J'ai eu une belle vie grâce à vous.

Non... Il faut que tu la continues...

— Je me suis amusé.

Non, je t'en prie...

— J'ai été heureux.

Ce n'est pas fini...

— C'était le bonheur.

Je...

Ray commença à pleurer, ne pouvant plus se retenir.
Chaque mot prononcé était une souffrance pour Lara. Comme si à chaque fois, elle recevait un coup de poignard dans le cœur.

Ça ne pouvait pas se finir. Pas maintenant.

— Dis, Norman, commença Emma, tu devrais t'enfuir maintenant... Va te cacher dans la forêt !

Il desserra son étreinte et regarda Emma dans les yeux. Il lui répondit posément :

— Je te l'ai déjà dit, ma décision est prise.

Emma continuait de le fixer dans l'incompréhension. Ses yeux reflétaient l'immense peine qu'elle avait, et sa douleur se lisait sur son visage, si joyeux d'habitude.

Norman se releva et ouvrit la porte de la chambre.

— Sur ce...

Et il referma la porte, laissant ses frères et sœurs dans leur peine et leur douleur.