Mon très cher Gabriel,

Par pitié, faites preuve de parcimonie et veuillez éviter de vous embarrasser, vous surtout et moi par la même occasion, en achetant l'entièreté de la ruelle marchande. Cette rumeur a réussi à se faufiler jusqu'à la Cour et tous sont persuadés que, vous êtes devenu fou, ou vous possédez une maîtresse à qui vous souhaitez plaire. Je suis bien conscient que votre absence est requise par la mission que vous a dûment confiée Sa Majesté et que ce serait sottise de votre part de revenir avant l'ordre de retour de Sa Majesté. C'est pourquoi je vous convierais à vous comporter de manière plus convenable à l'avenir.

Nonobstant, trêve de sermons, comment vous portez-vous ? Pour ma part, comme vous avez certainement pu le deviner, il m'est arrivé quelque malencontreux événement. Néanmoins, n'y prêtez point attention, ce n'est que frivolité. Qu'en est-il de votre voyage ? Votre séjour est-il à votre goût ? Ne vous importunez point à me ramener tant de souvenirs, ou je ne saurai qu'en faire, même si votre geste reste bien aimable.

Vous serez bien mécontent de mes dernières fables, je les trouve assurément mauvaises. J'espère vous en proposer de plus satisfaisantes à votre retour.

Veuillez oublier cette plume, je vous en conjure, ainsi que la nuance de mes yeux. Quelle pittoresque idée vous avez eu, vous m'en ferez rougir de honte et d'embarras. Votre témérité n'a-t-elle donc aucune limite ? Bien que je ne m'en plaigne point...

Très cher ami, votre écriture serait aussi élégante que la mienne si vous vous exerciez comme je vous l'avais conseillé avant votre départ. Peut-être puis-je vous proposer quelques leçons à votre retour à mon domicile ? Afin que vous puissiez vous améliorer. À moins que vous n'ayez d'autres projets à me soumettre ?

Votre absence cruelle me transperce le cœur de chagrin et n'est que tourment pour mon esprit. J'espère avoir la possibilité de vous revoir incessamment.

Prenez soin de vous, mon cher ami.

Toute ma plus tendre amitié, 

Célestin