🎶 Jonas blue -Rise- feat Jack & Jack

L'odeur de la viande de porc bien épicée, de la sauce barbecue et des légumes que Daphnée a ajouté aux brochettes embaumaient l'air. Jonathan s'occupait de la viande pour le hamburger en fredonnant Blinding by the lights de The Weekend qu'il avait lancé grâce à l'enceinte de Steven. C'était un après-midi tranquille au motel où les amis profitaient de la fin des vacances. Crazy Friday était officiellement terminé et ils relâchaient la pression au bord de la piscine. Rémi, bien qu'occupé à gérer le motel avait une bière en main et discutait gaiement avec Steven et Jonathan qui barbotait dans la piscine aux côtés de Naomi. Ils étaient tous un peu nostalgiques de ces semaines de folie qu'ils ont eu mais aussi heureux d'avoir vécu d'aussi bons moments. Ça avait été un boulot titanesque que d'organiser tout ça toutes les semaines sans faiblir. Pourtant pas une fois, la fatigue ne les avait écrasés les laissant sur les rotules. Ça avait été une belle expérience pour explorer pleinement leur potentiel et ils en étaient ressortis grandis d'une manière ou d'une autre.

- Faudrait qu'on refasse ça l'année prochaine, on s'est tous trop éclaté puis je ne pensais pas qu'on ressortirait avec autant de bénéfices. Ça a dépassé largement mes calculs.

Steven arborait un grand sourire alors qu'il commentait ce qui s'était passé durant tout le mois d'août. Il avait gagné en indépendance et fait ses preuves par rapport à son père. Et il côtoyait une fille qui apportait un vent de fraîcheur à sa vie.

- L'année prochaine, faut qu'on fasse mieux que ça, tu veux dire. J'ai parlé à Jonathan, il dit qu'on pourrait monter une équipe événementielle avec service traiteur inclus. Je veux dire, les mecs on peut tout faire, s'exclama Christian avec une excitation pour le moins inhabituelle.

Les yeux de l'étudiant en psychologie brillaient d'une flamme non contenue qui faisait plaisir à voir. D'ailleurs, ses aller-retour incessants dans la piscine donnaient un indice sur sa jauge d'énergie.

- Ma mère m'a soumis la même idée et elle s'est même proposée comme première cliente. Elle a pour but d'organiser une soirée pour lancer sa nouvelle collection de produits capillaires et elle voudrait qu'on s'occupe de tout de A à Z, déclara Steven l'air de rien.

Sa déclaration provoqua un silence sidéré parmi ses interlocuteurs alors qu'il posait un regard scrutateur sur chacun d'eux, attendant leurs réactions. Malgré le détachement avec lequel il avait annoncé cela, il n'en demeurait pas moins que la nouvelle l'avait ébranlé. La première avec qui il avait discuté de ça a été Daphnée et sa réaction avait été sensiblement la même. Même si elle avait réagi beaucoup plus rapidement en commençant déjà par prévoir ce dont ils auraient besoin pour le buffet. Il avait été bluffé par sa réactivité et n'avait pas pu s'empêcher de lui dire qu'elle s'épanouissait beaucoup plus en tant que chef qu'en tant qu'étudiante en architecture.

- Tu es sérieux Steve ? S'enquit Rémi avec incrédulité.

Pour toute réponse, il hocha la tête lentement un léger sourire sur ses lèvres.

- Retenez bien ce moment les gars. Ça fera partie de l'histoire de nos origines...

L'affirmation de Christian amena un sourire sur leurs lèvres même si Steven avait encore un peu de mal à se convaincre qu'il serait à la hauteur. Il savait que sa mère faisait cela pour lui et il avait peur qu'elle se soit trompé sur son compte. Et si il la décevait ? Il n'oserait imaginer cette éventualité. Ce serait le parfait tremplin pour eux et il avait conscience de la chance qui lui était offerte mais il angoissait à juste titre.

- Vous vous sentez prêts à relever le défi ?

- Évidemment ! Je n'ai pas fait une croix sur une vie aux States pour rien.

- T'es vraiment fou de refuser d'aller vivre aux Etats-Unis pour rester ici. Moi je n'attends que ça, l'occasion de pouvoir mettre les voiles. Et les Etats-Unis en prime? S'exclama Naomi avec un air scandalisé.

Elle ne concevait pas qu'on puisse être assez stupide pour refuser une telle opportunité. Pour elle, les USA représentaient une terre promise qui lui garantiraient une vie meilleure. Elle était bercée par les illusions créés par Hollywood et nulle ne pourrait l'en blâmer. Quand on vivait quelque part où rien que manger à sa faim relevait du luxe, rêver des grandes villes d'Oncle Sam s'apparentait à un conte de fée. Un conte de fée que Christian semblait dédaigner.

- Il faudrait vraiment que t'en apprenne un peu plus sur ce pays où tu rêves de vivre Naomi. Je dis pas que c'est l'enfer. C'est carrément mieux qu'ici, de toute façon tout est mieux qu'ici. Mais je trouve que sa réputation est légèrement surcottée. Et à choisir, je préfère rester ici. Mais si je devais m'expatrier quelque part, ce ne sera pas ma première destination.

- En fait, t'es un foutu privilégié Christian.

Ce dernier haussa les épaules avec nonchalance, ne démentant pas l'affirmation de la jeune femme. Ça ne faisait aucun doute que s'il avait été dans le besoin, il aurait sauté sur l'occasion ou si la situation avait été aussi précaire que pendant le début des années 2020. Mais la situation politique s'était tassée depuis quelques temps et un vent de renouveau soufflait sur tout le pays, au grand plaisir des jeunes.

- Cela nécessitera beaucoup de travail mais je me sens prêt à relever le défi. On peut créer divers événements pour avoir une bonne base et se faire un nom. On manque cruellement de loisir par ici et on a plein de gens qui ont envie de se défouler un peu. Certes ce ne sera pas du bénévolat mais ce sera bénéfique pour ta carrière politique Steve. Être connu comme un jeune dynamique, entrepreneur et talentueux, c'est le must du must pour se faire élire.

Ce serait mentir que de dire que les mots de Rémi n'ont pas fait mouche dans leur tête surtout Steven qui avait encore de sérieuse réserve. Ces dernières semaines, ils ont tous pu observer de sérieux changement chez leur aîné. En effet, ce dernier semblait avoir découvert au fond de lui cette envie irrépressible d'explorer tout son potentiel. Ils savaient à quoi était dû ce revirement, du moins en partie et ils en étaient très heureux. Rémi méritait de se donner une chance d'atteindre des objectifs...

- Mais ce que tu parles bien Rémi, tu n'es pas tenté par une carrière politique toi aussi, fit remarquer Daphnée qui s'était approchée d'eux, avec un sourire taquin.

- Je ne suis pas assez... cultivé pour le job.

Elle leva les yeux au ciel devant la tentative de son cousin pour se dénigrer encore une fois.

- Raconte pas de connerie. J'ai eu le déplaisir de voir le niveau d'intellect de certains de nos hommes d'Etat, c'était affligeant.

- C'est vrai que la plupart sont des crétins congénitaux.

Ils hochèrent la tête comme un seul homme, d'accord avec l'idée.

- Bon, vous aidez à mettre la table? Ce serait pas mal d'y mettre un peu du votre au lieu de rester là à papoter.

Le ton de la jeune femme était remplie de reproche mais elle ne parvint pas à les attendrir, au contraire.

- T'es gonflée! Qui t'a servi de commissionnaire pour les courses, que j'ai du faire avec Jonathan alors que nous savons tous qu'il n'est pas doué avec ce genre de chose?

- C'est vrai ça, la seule qui n'a pas levé le p'tit doigt ici, bah c'est Naomi.

Cette dernière afficha une mine outrée avant d'éclabousser son frère qui glapit avec un air ridicule, faisant rire les autres autour de lui.

- Comment oses-tu dire que je n'ai rien fait? T'es vraiment de mauvaise foi Rémi !

Tous levèrent la tête, intrigués quand on sonna à la porte du motel sensé être fermé ce jour-là. Du moins tous sauf Rémi. D'ailleurs, ce dernier se dirigea d'un pas allègre vers la porte ce qui les orienta sur l'identité de la nouvelle arrivée. Effectivement, Rémi réapparut avec une jeune femme de taille moyenne à la peau foncée qui tenait un pack de soda à bout de bras que Rémi s'empressa de prendre, un peu nerveuse de s'incruster dans la bande. À la surprise de tous, ce fut Daphnée qui la mit à l'aise la première en venant à sa rencontre pour la saluer, et en profita pour débarrasser Rémi de son fardeau.

- Enfin quelque chose qui n'a pas d'alcool, tu me sauves la vie Samira. Ces ivrognes n'ont que de la bière.

Rémi aurait voulu s'offusquer de l'appellation mais il était trop heureux que sa cousine décide d'introduire sa copine dans la bande en agissant comme s'ils étaient de bonnes amies de longue date. Ils avaient été choqués d'apprendre qu'ils étaient ensemble et ça leur a prit un moment pour assimiler la situation. Il pouvait se targuer d'avoir été doué pour cacher son couple aux yeux de son entourage. Il leur était reconnaissant de n'avoir fait aucune remarque désobligeante sur les différences qu'il y avait entre Samira et lui.

- Bienvenue dans la team des gens cool de ce quartier, décréta Steven comme s'ils l'introduisaient à une congrégation.

Il reçut les regards, désespérés, réprobateurs et las de son entourage mais il ne se départit pas de son sourire solaire qui contamina la jeune femme qui sourit à son tour.

- Je me sens privilégiée alors.

Son trait d'humour acheva de briser la glace et agit comme la validation de son test d'acceptation dans le groupe.

- Je pense que tu connais déjà tout le monde, ils ont l'air un peu barges mais ils sont sympas.

- T'es arrivée juste à temps, on allait passer à table. Tu as eu la chance d'échapper au control freak qu'est Daphnée, intervint Naomi qui était sortie de l'eau pour avancer vers eux, une serviette sur les épaules.

- Dis celle qui a passé la matinée à se tourner les pouces.

Le frère et la sœur échangèrent un regard entendu qui passa inaperçu aux yeux des autres. Naomi avait décidé de donner une chance à Samira et son frère en était ravi.

Ils passèrent à table dans une joyeuse cacophonie, Steven et Rémi s'occupant de servir les autres sous le regard acéré de Daphnée Aka control freak.

- Enfin, un hamburger qui a le goût d'un hamburger, soupira Christian les yeux fermés après une bouchée.

- Parce que ça a le goût d'autre chose un hamburger ?

- Bah ouais... De chaussettes sales, de rien du tout...

Alors que Christian énumérait les saveurs peu ragoûtant des hamburgers à un Steven blasé, Daphnée partagea un regard complice avec son petit ami, assis à ses côtés.

- Je crois que tout ceci est le début de quelque chose d'extraordinaire.

- Je pense aussi.

- Steve t'a parlé de la proposition de ma tante. Un contrat dans l'événementiel, c'est juste fou!

- Ouais, c'est vrai que ça fait un peu beaucoup mais tu sais quoi, je pense qu'on peu le faire. Tu sais quel est ma plus grande hantise? Travailler dans un bureau en portant des chemises avec cravate et une coupe de cheveux politiquement correct. Je ne veux pas être enfermé dans une boîte et subir la pression constante de supérieur abusif et de collègues moralisateurs. Si on a notre propre business, on aura la chance d'exprimer qui nous sommes sans avoir peur de ne pas paraître professionnel.

Daphnée posa sur lui un regard compréhensif car elle partageait les mêmes pensées.

- Tu sais que j'adore quand tu exprimes tes sentiments aussi librement ? C'est tellement rafraîchissant et... foutrement sexy, ajouta-t-elle avec un petit clin d'œil malicieux.

Jonathan éclata de rire tout en essayant d'être discret mais ce fut peine perdue puisqu'il attira l'attention des autres sur eux.

- Vous êtes tellement mielleux tous les deux que j'ai une hausse de diabète rien qu'en vous regardant.

Christian ajouta une grimace très expressive pour appuyer sa remarque provoquant les regards amusés des autres. Jonathan s'empressa de rebondir comme à son habitude.

- Tu vois, c'est pour ça que tu n'as pas de copine. Tu es un être sans coeur. Je parie que tu as fait parti de ceux qui se sont marrés quand Tony Stark est mort.

L'étudiant en psychologie posa une main sur sa poitrine en prenant un air outré pendant que Steven rétorquait avec scepticisme. Ce n'était pas la première fois qu'on s'amusait à le traiter de grand insensible. Sa réputation d'éternel célibataire y était pour beaucoup. Et honnêtement, il s'en fichait car il avait d'autres priorités dans la vie.

- Parce qu'il y a des êtres vivants dotés de sentiments qui ont ri à la mort d'Iron Man?

- J'aimerais rencontrer cet extraterrestre, parce que ça ne pourrait être que ça.

- Moi, perso j'ai fait une dépression pendant une semaine, intervint Samira mine de rien.

Elle reçut les regards compréhensifs et compatissants du reste de la bande et pour la première fois, elle se sentit à sa place. Elle n'a jamais voulu donner une image de pick me girl Mais elle s'est rendue compte que ses goûts étaient rarement partagés par la gente féminine de son entourage alors voir ces deux filles parler de Marvel avec la même passion qu'elle lui fit chaud au cœur pendant que les garçons trouvaient ça totalement normal.

- Les gars, vous n'allez pas le croire. On a déjà 300 abonnés sur la page Instagram de Crazy Friday, s'exclama Steven les yeux exorbités, son téléphone à la main.

Ayant suivi des formations en communication, ce fut ce dernier qui fut désigné pour gérer les réseaux de la petite entreprise. Et il faisait cela très bien. Steven a toujours été très populaire étant d'un naturel très sociable et extraverti alors faire la promo de Crazy Friday a été un jeu d'enfant.

- Je te l'avais dit que ça allait marcher, rétorqua Daphnée avec un petit sourire arrogant.

Jonathan souffla un mademoiselle-je-sais-tout moqueur à son oreille qui la fit rouler des yeux avant de qu'elle lui assène un discret coup de coude dans les côtes.

- J'ai une amie qui m'a demandé quand est-ce que vous prévoyiez de faire une nouvelle soirée ?

La question de Naomi les plongea en pleine réflexion parce qu'ils n'avaient pas encore pensé à la prochaine soirée. Pourtant, beaucoup de gens l'attendaient. Mais ils commençaient à peine à digérer le succès de cette première fois, de là à penser à la suite... Pourtant ce n'était pas les idées qui manquaient. C'était peut-être même ça le problème, il y avait trop d'idées.

- Je connais cette tête, tu as une idée Jonathan...

En effet ce dernier se mordait la lèvre inférieure d'un air pensif comme s'il hésitait à parler.

- Vous pensez quoi d'une soirée pour la veille du Nouvel An?

- On garde cette idée mais le Nouvel An est beaucoup trop loin, répliqua Steven avec une moue pas convaincue.

- Et la fête des morts?  Suggéra Rémi.

Quelques uns émirent des grimaces très expressives.

- J'avais oublié que vous autres protestants étaient assez réfractaires à cette fête. Mais là on parle d'une soirée, pas d'une cérémonie de Gede.

- Rémi a raison. Ce serait comme une Halloween. La foi n'entre pas en compte dans ce cas de figure.

L'intervention de Daphnée acheva de convaincre les sceptiques. Cette dernière avait beaucoup gagné à les côtoyer cette semaine. On sentait qu'elle était plus ouverte, moins dans la lune aussi. Ce qui soulageait grandement son petit-ami qui voulait qu'elle s'éloigne le plus possible de la substance qui la faisait planer. Pour l'instant, sa consommation était rare voire anecdotique et ça lui allait. Le fait que sa relation avec sa mère se soit un peu calmé y contribuait grandement. Quand à lui, s'il restait toujours ce jeune homme bien dans ses baskets et bien entourés, il était heureux d'avoir enfin une partenaire avec qui il était en phase et avec qui il ne s'ennuyait jamais.

- Bon d'accord.

- Alors c'est parti! Je sens que ça va être de folie, décréta Steven en frottant les mains d'un air satisfait.

Le groupe d'amis échangèrent des sourires complices et confiants, discutant déjà des détails de cette prochaine soirée. Qui aurait cru qu'une idée lancée juste comme ça aurait amené quelque chose d'aussi extraordinaire ? Rien ne pouvait prévoir ce qui se passerait dans le futur mais pour l'instant, ils allaient profiter pour faire des choses qu'ils aimaient entourés de ceux qui comptaient à leurs yeux. Ils allaient mettre tout en œuvre pour réussir tout ce qu'ils entreprendront dans le futur. C'était la moindre des choses.

Ils étaient là assis autour de cette table à refaire le monde, à partager leurs espoirs, leurs doutes. Tout ceci avait commencé dans une chambre d'étudiant autour de la conversation de trois amis qui s'ennuyaient et ils en étaient là maintenant. À planifier leur prochain événement, à réfléchir sérieusement à une entreprise dans l'événementiel. Petit à petit, ils commençaient tous à entrevoir l'avenir sous un jour beaucoup plus brillant. Ils étaient jeunes, avec de la ressource, des connaissances et l'envie de réussir. Il y aurait des embûches, ils s'y attendaient, ils étaient encore inexpérimentés face à ce monde impitoyable mais peu leur importait car ils étaient jeunes et invincibles. Des adultes diront peut-être qu'ils sont idiots d'espérer autant, que c'est ridicule de se lancer dans l'événementiel avec si peu de moyen, qu'ils sont bien trop puériles pour saisir ce que tout cela impliquait mais il ferait la sourde oreille. Car après tout, ils étaient encore des gamins et tout le monde savait que les gamins n'en faisaient qu'à leur tête. Car In The Name Of Fun devrait voir le jour.