Eloana se promenait d'un pas las et trainant. Un an. Elle aurait dû avoir son éveil il y a un an déjà. Le temps passait vite, tous les enfants de son âge volaient dans le ciel en ce moment-même et apprenaient à maîtriser leurs pouvoirs. Alors qu'Eloana restait au sol, seule, ne pouvant observer que de loin ses camarades.

La jeune fille ne parvenait pas à comprendre ce qui clochait en elle. Pourquoi tout le monde avait son éveil ? Tout le monde, sauf elle. Cela la frustrait terriblement de se retrouver être un cas isolé. Même si elle aspirait à être la plus forte des guerrières Amateriennes, ses ambitions se réduisaient au fur et à mesure des jours qui s'écoulaient sans ses pouvoirs ?

Les aurait-elle un jour ? Et si elle était destinée à rester au sol, sans jamais pouvoir découvrir le monde et son Royaume ? Eloana chassa vivement cette idée de sa tête. C'était idiot de penser ça. Dahlia lui répétait sans cesse, que depuis l'histoire de la naissance du premier enfant du peuple du Soleil, jamais encore, il n'y avait eu d'exception sur l'éveil des pouvoirs. Alors pourquoi devait-elle avoir peur ?

— Je dois juste être patiente... se murmura Eloana, les poings serrés de frustration. Après les cours, je devrais réessayer jusqu'au couché du soleil, peut-être je vais réussir si je continue sans relâche !

La jeune fille leva les yeux au ciel, un sourire aux lèvres. Le soleil était haut, elle avait encore du temps pour essayer. Même s'il lui restait encore quelques cours cet après-midi, elle devrait tout de même finir assez tôt.

Eloana pouvaient entendre les chants mélodieux des oisillons juste au-dessus d'elle. Même le plus petit des oiseaux s'envolaient haut dans le ciel. Quelle vue devait-il avoir à cette hauteur ? La jeune fille laissa échapper un profond soupir. Marcher était un moyen bien long pour circuler à Amatera.

Autour d'elle, des plaines vertes et fleuries s'étendaient à perte de vue. La route zigzaguait, lui faisait passer au-dessus d'un petit cour d'eau, dégringolant en une cascade un peu plus loin, et devant quelques habitations simples, faits de bois bleus.

Très peu de personnes restaient habiter sur l'Île de l'Éveil, puisque celle-ci était normalement réservée aux enfants en pleine apprentissage de leurs pouvoirs. C'était ici, que les enfants et leur famille habitaient jusqu'à l'âge respectif de dix-huit. D'après Dame Lyra, les adolescents auraient atteint la maturité nécessaire et un contrôle suffisant de leurs pouvoirs pour pouvoir partir emménager sur une autre citadelle et commencer leur vie active.

Après une quinzaine de minutes de marche, Eloana arriva enfin à destination. Le bâtiment de son école se voyait un peu plus loin, et elle apercevait déjà ses camarades à l'entrée, encore en train de s'exercer malgré que ce soit l'heure de la pause déjeuner.

L'adolescente accéléra à l'allure en voyant une paire d'ailes dorées se déployer sous une étincelle de lumière. Cela provenait d'une des filles de son groupe. Eloana la connaissait bien, et était sûrement la plus douée parmi les autres enfants de son âge.

— Carla ! appela-t-elle gaiement tout en s'approchant. Elles sont trop belles tes ailes !

L'intéressée se retourna, ses longs cheveux blond platine fouettant l'air. Le regard jugeant, presque hautain, elle détaillait Eloana de ses yeux noisettes perçants. Une fois celle-ci arriver à sa hauteur, Carla lui décrocha un sourire moqueur, avant de lui :

— Merci. C'est sûr que c'est pas toi qui en aura d'aussi belles.

Un léger rire s'échappa de ses lèvres. Une de ses amies, Lana, une jolie rousse aux tâches de rousseur, la rejoignit dans son ricanement.

— Alors toujours rien ? C'est vraiment à se demander si tu n'es pas le premier cas d'Amatera qui ne peut pas éveiller ses pouvoirs.

— Bien sûr que non ! Aujourd'hui, j'ai ressenti quelque chose ! se défendit Eloana.

— Tu n'avais pas dit la même chose hier ? De toute façon, à quatorze ans et toujours pas d'éveil, il faut se poser des questions.

Carla et Lana arboraient un air sarcastique face à l'impuissance d'Eloana. Elles ne faisaient que de la charrier depuis qu'elles avaient eu leur éveil, l'année dernière. Enfin, cela lui passait au-dessus, évidemment. Mais malgré tout, leurs remarques ne faisaient qu'accentuer les doutes qu'éprouvaient Eloana.

L'air de rien, elle leur adressa un faible sourire, puis tourna les talons, bien décidée à avoir son éveil pour les clouer sur place. Et puis, elle aura des ailes dorées ! Comme ça, même Carla sera bien obligée de la reconnaître à sa juste valeur.

Eloana observait les entraînements de ses camarades, quelques mètres plus loin. Amlach, un grand garçon blond à la carrure imposante, débordait d'énergie, à en juger par la taille de son aura lumineuse. Il était puissant, très puissant, sûrement le seul capable de pouvoir rivaliser contre Carla. Ses ailes dorées s'illuminaient sous les rayons du soleil, signe qu'il n'allait pas tarder prendre son envol.

Thalion, son ami, était son parfait opposé : petit, le regard craintif, recourbé sur lui-même, et l'aura faible, c'était à se demander comment ils avaient pu se rencontrer. Il fixait avec intérêt le prochain envol d'Amlach, accompagné par les regards des deux tuteurs qui s'occupaient d'eux.

— Eloana, tu sais où est partie Dahlia ?

Une voix interrompit la jeune fille dans ses pensées, alors qu'elle observait le décollage de son camarade. Elle se tourna vivement en direction de l'appel, et découvrit Sarla, la tutrice de Carla, son air renfrogné habituel au visage.

— Elle m'avait dit qu'elle irait à la Place du Soleil pour acheter de quoi faire le prochain exercice. Mais si elle ne revient pas, je ne sais pas ce que je vais faire, ajouta la plus âgée, visiblement contrariée par la situation.

— Dahlia m'a dit qu'elle partait voir Dame Lyra pour parler de mon retard, lui répondit timidement Eloana, la tête basse.

— Sérieusement ? Cette fille se disperse beaucoup trop, tout ça pour des choses inutiles en plus. Enfin, je vais trouver autre chose pour les élèves.