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22 - Il est temps

Je poussai un râle, en proie à un désagréable lancement dans mes tempes et le bas de ma tête. Je percevais quelques sons indistincts et des voix lointaines. La lumière, bien qu'avec les yeux fermés et ma vision de Meridiem, me brûla la rétine.

— Réveillez-vous, m'intima quelqu'un, d'un ton sec.

Avec difficulté, je me redressai sur les coudes, ouvrant les yeux. J'étais étendue sur un carrelage froid coloré de toutes les nuances de bleu, aux côtés de Jel et Naïda qui, au vu de leur air engourdi, avaient dû être assommés eux aussi.

— Pardonnez cet accueil, mais ce fut une mesure de sécurité importante. Le Palais doit rester un lieu hautement protégé.

Je relevai la tête, cherchant du regard l'origine de cette voix presque mielleuse. Je constatai au passage que je devais me trouver dans ce qui pouvait être une salle du trône : une pièce aux dimensions titanesques, tranchée de longs filets de lumière lunaire filtrée par les hautes fenêtres, et décorée de diamants, saphirs et aigue-marines. En face de nous et surélevés par une estrade, étaient assis sur leur trône un homme, et sa femme, tous deux couronnés. Le Roi et la Reine. Et, à gauche et à droite des sièges, s'entassaient une multitude de courtisans, chuchotant entre eux, sans me quitter des yeux.

Je trouvais Naïda et Talori magnifiques, mais les Aequoriales présentes ici étaient l'image même de la magnificence et la richesse. Perles, fleurs, étoffes luxueuses, soie, bijoux, voiles brodés de gemmes et d'argent... Leur coiffure et leur accoutrement les feraient facilement passer pour de grandes reines. La foule en elle-même constituait un trésor d'un nouveau type. Quant à la véritable Reine... Sa queue était décorée d'un rideau de perle, tressé de fleurs et de coquillages, caressant une traîne de soie sous un voile de tulle. Ses cheveux étaient assortis à ses écailles, d'un bleuet ravissant, et joliment entrelacés à la couronne de diamants qu'elle arborait d'un air suffisant. Son Mari, avachi à côté d'elle, était sa copie conforme, mais dans sa version masculine : mêmes écailles, mêmes cheveux, mêmes yeux. Se pourrait-il qu'ils soient frères et sœurs ?

Ce dernier m'observait avec insistance et intérêt, ne perdant pas une miette de mes moindres mouvements, jusqu'à ma simple respiration. Je compris à son air de m'observer que c'était lui, qui venait de parler.

Je fus prise de nervosité, à l'idée de faire un pas de travers qui, potentiellement, nous coûterait la vie à tous les trois. La Cour aequoriale était-elle différente de la Cour meridiem ? Certainement. Mais la révérence n'était-elle pas un symbole de respect universel ?

Je n'eus pas le temps de m'interroger plus longtemps, car le Roi reprit, dans un accent chantant et traînard :

— La Lumière, dehors, vous appartient-elle ? Elle donne du fil à retordre à mes hommes.

— Oui, répondis-je, en prenant la précaution de ne pas préciser qu'elle était mon Amili.

— Intéressant.

Il se redressa sur son siège, et une lueur malsaine traversa ses iris, d'un bleu pervenche troublant.

— Et maintenant, dites-moi qui vous êtes.

Je restai muette, réfléchissant à plein régime. Pouvais-je mentir ? Mon nom de famille disait tout de mon identité. Une fois prononcé, il n'y aurait plus de retour en arrière possible. Était-ce le moment dont parlait Jel, notre dernière solution ?

— Votre nom, jeune fille, s'impatienta la Reine.

— Xerys. Xerys Orzirel, répondis-je, sans réfléchir.

— Menteuse, murmura le Roi d'un ton traînant, un rictus tordant ses lèvres. Les intonations dans ta voix te trahissent... La vérité, maintenant.

Je ne dis pas un mot, le défiant du regard, et il soupira, en se relevant.

— Je vais t'aider.

Il descendit les marches, une à une, nageant vers moi. Quand il tendit le bras pour me saisir le poignet, j'eus un mouvement de recul. Cela le fit sourire. Il me prit la main, et ses doigts remontèrent jusqu'à mon coude, en une lente caresse. Je retins un frisson.

— Explique-moi... comment peux-tu porter notre queue... et en même temps... avoir le sang chaud, un cœur qui bat si vite...

Il se recula, en faisant couler son regard le long de ma queue, jusqu'à ma nageoire caudale.

— Quels beaux reflets, d'ailleurs ! Assortis à ta tiare. Et ils font ressortir tes yeux...

Je déglutis, dégageant sèchement mon bras de sa main. Il se laissa faire, et pencha la tête sur le côté. Dans la salle, plus personne ne disait mot.

— Alors ? insista-t-il. As-tu une explication rationnelle à m'apporter ?

— Tout porte à croire que vous la connaissez déjà.

— Réponds à ton Roi, intervint la Reine, la colère noyant son visage.

— Ce n'est pas son Roi ni le nô... s'exclama Naïda, avant d'être interrompue par une violente gifle de son geôlier.

Je retins un cri, une main sur mes lèvres. Jel se débattit, la rage déformant ses traits, tentant de rejoindre sa compagne. Celle-ci releva la tête, la joue rouge, mais le regard fou de fureur.

— Vous payerez cet affront, tous les deux, décréta la reine.

— C'est la vérité, renchérit Jel. Ce trône ne vous appartient pas. Votre règne n'est qu'une imposture, la preuve : l'Océan se meurt.

— Faites-le taire, ordonna la Reine.

Jel fut frappé du pied d'une lance, trois fois. Naïda poussa un hurlement de rage, et je tentais d'établir un contact visuel pour lui intimer de se calmer — les choses dérapaient... mais ma guide était dorénavant hors de contrôle, laissant s'exprimer une colère qu'elle gardait enfouie depuis trop longtemps.

Les courtisans poussèrent des soupirs de stupeurs, le regard agrandi d'horreur. À cause de l'insolence dont venait de faire preuve Naïda et Jel, ou de la réaction de leurs souverains face à celle-ci ?

— L'Océan se porte très bien, déclara le Roi, d'un air assuré, mais qui dissimulait en fait de la peur.

La peur troublait son regard, le même qu'un bandit sur le point d'être découvert.

— Menteur, railla Naïda, une lueur de défi brûlant dans ses yeux.

À nouveau, une vague de murmures déchira les rangs.

— Est-ce de ma faute ? riposta le Roi, se tournant vers ses courtisans, ses deux bras écartés. La Famille Selenis nous a abandonnés. Je ne fais qu'assurer à leur place le bon devenir de notre royaume, je me suis dévoué à cette tâche. Je me suis sacrifié pour qu'à aucun autre, ne revienne cette responsabilité.

Jel ricana, secouant sa tête d'un air désespéré.

— Sacrifié ? Laissez-moi rire. Vous étiez bien heureux de prendre la place de la Reine Leia. En fait, vous n'attendiez que ça.

— Emmenez-les, décréta la Reine, se relevant de son trône en un geste furieux.

— Mais tout ceci n'a plus d'importance, continua Naïda, sans se soucier des deux soldats qui la saisirent, pour la traîner jusqu'à la sortie. Votre règne prend fin aujourd'hui. Les Éternelles ne nous ont pas abandonnées.

Je me tournai vers ma guide, les yeux agrandis de terreur. Mais elle ne me regardait même plus, aveuglée par sa rancœur. Elle poursuivit, et je me sentis tomber six pieds sous terre :

— Elles sont revenues.

Et ses yeux dévièrent sur moi. Un silence tonitruant frappa la salle, en une accalmie épouvantable. Je pouvais entendre mon cœur battre dans la cage de ma poitrine. Les gardes, qui emmenaient les futurs prisonniers, s'immobilisèrent sur le pas de la porte, aussi troublés que le reste de la foule.

— Est-ce vrai ? s'enquit l'un des nobles, un pas en avant pour se détacher de la masse.

— Bien sûr que non, vous le voyez bien, rit la Reine, gorge déployée. Cette fille n'a rien de la prestance d'une Reine.

Mais personne ne réagit à sa remarque, pas même son Roi. Celui-ci me détaillait, fulminant, tremblant. Il le savait déjà, je l'avais su à sa manière de me détailler, de m'interroger. Il avait simplement cherché à ce que je crache le morceau, ou à l'inverse, à ce que je lui apporte une preuve démontrant sa théorie. Mais, comptait-il faire, si elle s'avérait juste ? Me trancher la tête sur la place publique ? M'enfermer en cellule, jusqu'à la fin de mes jours ? Ses yeux cachaient une intention vile, je pouvais le sentir jusque dans le creux de mon ventre.

Je restai muette, incapable du moindre mot. Tout se mélangeait dans ma tête. Face à la foule, je la contemplai, la bouche entrouverte, désarmée par leurs regards insistants, comme s'ils s'attendaient à quelque chose d'extraordinaire.

— Alors ? Êtes-vous la fille de Leia ?

— Oui, répondit à ma place Naïda, dans mon dos. Et de ce fait, elle a reçu le don d'Aquanascens. Elle peut tous nous sauver.

Je me figeai toute entière, la fixant pour tenter de la faire taire. Je n'étais pas venue pour revendiquer ma place sur ce trône. Je cherchai simplement le moyen de sauver mes amis. Et balancer comme une bombe le contenu de mon livret de famille n'allait pas m'aider ; au contraire. Que lui était-il passé par la tête ?

Cette fois, il n'y eut plus aucune retenue : un brouhaha d'exclamations, de questions et de cris jaillit dans la salle. Tous demandaient une démonstration, attendant leur preuve. Étais-je prête à la leur donner ? En avais-je seulement envie ? Non, non, je n'étais pas venue pour ça. Je refoulai une montée de larmes.

— Suffit ! hurla le Roi, une main en l'air.

Le silence se fit à nouveau, et il nagea d'un battement de nageoire vers moi.

— Même si tu étais capable d'Aquanascens, qu'est-ce qui nous prouve qu'elle est saine, et pure ? Car tu n'es pas complètement une Aequoriale, je me trompe ?

Il fit volte-face vers ses sujets, et en haussant la voix, une intonation satisfaite dans ses paroles, il s'écria :

— Cette jeune fille est peut-être la fille de Leia, et peut-être porte-t-elle une queue. Mais elle n'est pas comme nous. Son sang chaud, sa peau hâlée, ses écailles dorées ! Cela ne vous rappelle rien ?

Quelques chuchotements lui répondirent : « Meridiem », prononçant ce mot comme une insulte. Je fus instantanément poignardée par la colère, et le regret. Je pouvais encaisser beaucoup de choses, mais je ne laisserais personne remettre en question l'amour qui avait lié mes parents. S'aimer n'était pas un crime.

— Elle est à moitié meridiem ! s'écria enfin le Roi, énonçant tout haut ce qui venait d'être susurré. Son sang est impur, elle n'est pas légitime ! Seriez-vous prêts à voir notre pire ennemi siéger sur notre trône ? Prendre le pouvoir ? Nous dominer ?

Si quelques Aequorials dans les rangs levèrent le poing, niant tout haut ses paroles, la plupart restèrent silencieux. Le doute dansait dans leurs prunelles, nourri du dégoût, et d'un autre sentiment, inidentifiable. L'espoir ? L'admiration ?

— Ce serait un crime pour notre espèce, approuva la Reine, qui vint se poster à côté de son égal, s'accrochant à son bras. Qu'on l'enferme, son sort sera décidé demain, par le peuple. La Mort, l'Exil, ou la Vie ?

Un sourire mauvais tordit ses lèvres pleines. Alors qu'on me saisit par les bras, m'enchaînant et me tirant de force, à m'en lacérer la peau, je me débattis, en m'écriant :

— Non, c'est un malentendu ! Je ne suis pas venue pour revendiquer ce trône, simplement pour sauver mes amis ! Je...

L'un de mes gardes me plaqua les mains derrière mon dos, si fort qu'il manqua de me déboiter l'épaule. Cela m'ôta les mots quelques secondes, le membre traversé d'une douleur atroce.

— J'ai simplement besoin de la clé ! Confiez-la-moi pour quelques jours uniquement, elle vous sera rend...

Les deux lourdes portes de la salle du trône se refermèrent sur ma voix, ne me laissant percevoir avant leur verrouillage que le visage faussement impassible du Roi et de la Reine, troublé par la jubilation. À mes côtés, Jel et Naïda se démenaient pour échapper à la prise de leur soldat, hurlant à la corruption, et à l'injustice. Moi, je hurlais ma requête, encore et encore, les larmes aux yeux. Je n'avais pas eu le temps d'expliquer la raison de ma présence ici. Je n'avais pas eu le temps de leur faire comprendre tout l'enjeu de cette présence.

— Je ne veux pas de ce trône ! m'écriai-je une dernière fois, la colère se fondant dans mes larmes.

Nous voilà déjà à l'autre bout du couloir, et je savais que le Roi ne pouvait plus m'entendre. Je me débattis, rageusement, mais je n'avais pas encore l'habitude de l'eau ; je glissais entre ces goutes, peinais à prendre appui. Je ne faisais que remuer inutilement, entre la prise puissante de mes gardes. Je cherchai le moindre signe de compassion dans leur regard, mais ils regardaient droit devant eux, sans ciller, comme s'ils étaient eux-mêmes absents de la scène.

L'on nous fit ensuite descendre le long d'un couloir en colimaçon, dépourvu de marches, forcément. Les Aequoriales n'avaient pas besoin d'escalier. L'endroit était sombre, vieilli ; il régnait dans l'eau une odeur de vase, qui vint me chatouiller les narines.

Un autre couloir donnait sur une dizaine de portes, des cellules scellées de barreaux. Je devinais que ce couloir ne devait pas être le seul de la sorte... Les différentes prisons défilèrent devant nous, et je constatai avec horreur et colère qu'elles étaient presque toutes occupées : femmes, hommes, âgés et moins âgés... heureusement, je ne vis pas d'enfants. Mais qu'est-ce qu'un enfant, d'un point de vue aequorial ?

Jel fut violemment jetée dans l'une d'elles. Il poussa un grognement sourd en heurtant la pierre, mais se releva aussi sec pour agripper les barreaux, qui s'étaient déjà refermés sur lui. Vint ensuite le tour de Naïda, qui depuis notre départ de la salle du trône, était restée silencieuse. Un calme glaçant l'habitait, dorénavant. Ses pupilles dilatées, les sourcils froncés, son regard s'était fait prédateur. Elle semblait trembler de colère.

— Comment osez-vous... commença-t-elle, depuis sa cage. Vous dormez la nuit ? Vous n'êtes pas trop rongés par la culpabilité ?

Les deux gardes l'ignorèrent, restant parfaitement stoïques.

— Un jour, ils comprendront, lâcha Jel, tête baissée, l'air désabusé. Espérons simplement qu'il ne sera pas trop tard.

Je fus à mon tour mise sous cellule, sans plus de délicatesse. Je heurtais violemment le mur de fond de mon épaule, et retins un gémissement. En me redressant, je les défiais du regard.

— Vous m'avez l'air bien en forme, pour un peuple censé être éteint, dis-je. C'est la guerre, là-haut, vous étiez au courant ? Cette planète est aussi la vôtre !

Ma voix se perdit dans les profondeurs des couloirs, ricochant sur les murs.

⋅∙✶⦁☾⦁✶∙⋅

Nous passâmes le reste de la nuit, et tout le jour suivant dans nos cellules. Je perdais toute notion du temps. Le jour devenait la nuit, et inversement. J'en venais parfois à oublier que les Aequoriales adoptaient un rythme de vie totalement de celui que j'avais connu à la surface. Après des heures à tourner en rond dans le fin espace de ma cage, j'avais même fini par m'endormir, le sommeil me ramenant à lui. J'étais peut-être une Eclipsis, mais je ne pouvais pas rester éveiller indéfiniment. Somnolente, couchée contre un sol froid et dur, je me sentis bien seule. Lenora, Aarin, Leven, Saphir, Vaeri... tous m'attendaient en haut. J'aurai tout donné pour les avoir à mes côtés, à cet instant. Ma mentore aurait été de bon conseil (en théorie) ; Aarin nous aurait requinqué grâce à son optimisme, et Lenora de la détermination brûlant dans ses prunelles ; Leven m'aurait assuré que nous allions nous en sortir, et il aurait accompli un énième tour de passe-passe. Le jeune espion était su genre à se sortir de tout... Et puis, Saphir se serait blottie contre moi, et à travers elle, ma Xemehys.

Je resserrai mes bras autour de ma queue, m'habitant encore à son contact lisse et glissant. À mesure que le temps s'écoulait, ma poitrine se rétrécissait. Je redressai la tête, guettant le comportement de mes amis. Mais à nouveau, je constatai qu'ils étaient trop loin, et dans un angle mort. Je ne pouvais ni les voir, ni les entendre, du moins pas sans crier et avertir par là tous les prisonniers de ce couloir. Les gardes nous avaient non seulement séparés, mais avaient aussi pris bien soin d'empêcher tout contact entre nous, même visuel.

Je soufflai, agacée. Et, à nouveau, je fis tourner mes différentes options dans ma tête. 1) Tenter de contacter Halcyon, mais le pauvre devait être enchaîné quelque part, et l'appeler ici ne ferait que le mettre en danger, plus qu'il ne l'est déjà. 2) Essayer de m'échapper, à la seconde où ils décideront de m'ouvrir la porte de cette cage. Mais je serai sûrement rattrapée aussitôt, faute de connaitre les lieux. 3) Attendre ma sentence, et tenter, à nouveau, de raisonner le Roi en lui faisant part de mes réelles intentions. Peut-être qu'en comprennent que je n'étais une menace pour sa couronne, me libérerait-il ? Mais là encore, il n'y avait pas beaucoup d'espoir. La Reine avait l'air farouchement opposée à la simple idée de me savoir respirer, que je sois intéressée par l'idée de régner ou non. Et le Roi avait l'air de suivre ses ordres... 4) Pourquoi ne pas tenter de rallier les prisonniers de ces cellules à ma cause ? S'ils se trouvaient ici, ils avaient, ou bien désobéis à la couronne de quelques manières, ou alors représentaient d'importants criminels. À moins que les deux ne signifiassent la même chose... Cependant, l'idée de confier ma seule chance de me sortir d'ici entre les mains de parfaits inconnus me laissait hésitante, et profondément méfiante.

Une dernière idée m'était venue, en totale contradiction avec la troisième : celle de clamer haut et fort mon ascendance au trône, en espérant obtenir le soutien des traditionalismes et des rebelles de cette ville. Sauf que, comme l'avait si bien rappelé le Roi, je n'étais qu'à moitié aequoriale. Il coulait dans mes veines le sang de leur pire ennemi. Et ce plan-là craignait, peut-être encore plus que les autres, pour une autre raison : je ne me voyais pas porter une deuxième couronne. Je n'avais que dix-huit ans, et je ne me voyais pas mentir pour obtenir ce que je voulais, pas dans ce cas-ci. Cette promesse cachait trop d'enjeux, notamment concernant le reste de ma vie. Car j'y avais réfléchi, forcément : Elyon n'avait pas tort, au début, en m'avertissant sur les différences notables entre nos deux espèces. Comment mon âme sœur ferait-elle pour me rejoindre sous l'eau ? Comme Lenora, qui n'avait pas pu m'accompagner ici-bas, il ne serait pas capable de vivre à mes côtés, tandis que je régnerai sur les océans. Et je préférais me trancher les veines plutôt que de renoncer à notre histoire.

Je patientai donc, sans toutefois cesser de cogiter. Mon cerveau retournait les possibilités dans tous les sens possibles... et à chaque fois, le même constat : celles nécessitant l'usage de la force, ou toute autre illégalité, représentaient un obstacle certain quant à mon acquisition de la clé. J'avais besoin que l'on m'indique sa cachette, et comment la récupérer. Avec ces quarante-huit heures de plus de perdues, je n'avais plus le temps de chercher de moi-même.

Je me tirai les cheveux, recroquevillée sur moi-même. Cette impuissance, alliée à mon cruel manque de temps, me donnait l'impression d'attendre la potence... même si, vu le regard de la Reine, cela allait sûrement être le cas, au sens littéral. Je me mordis la lèvre, de toutes mes forces, pour m'empêcher de pleurer. Mes dernières forces, ma dernière once de volonté, je la tenais du souvenir de mes amis. Ils comptaient sur moi. Mon échec ne leur coûtera pas la vie, même s'il devait me prendre la mienne. Je m'en contrefichais.

Après ce qui me sembla être une éternité, la porte du couloir s'ouvrit dans un fracas. Je me redressai à toute vitesse, montée sur des ressorts. Dans les cellules, les prisonnières s'agitèrent, sans toutefois prononcer le moindre bruit. Ils observaient de leur regard craintif et soumis les gardes passer, se ratatinant dans le fond de leur cage. Cela me fit tressaillir. Depuis quand se tenaient-ils ici ? Avaient-ils été torturés ? Quels avaient été leurs crimes ? De toute évidence, ils avaient perdu tout espoir. Ce ne fit que renforcer ma haine à l'égard de ce gouvernement imposteur.

Un garde ouvrit la porte de ma prison, et me somma :

— Lève-toi.

J'obéis, mes muscles tendus comme une centaine d'arcs armés. Ma première option me revint en tête, celle de m'enfuir à la première occasion. Mais d'un rapide coup d'œil, je constatai que le Roi avait considéré cette possibilité. Derrière le garde, une dizaine de soldats patientaient, armés jusqu'aux dents, leur regard aussi froid que deux blocs de glace. Et cette hypothèse se renforça lorsque l'on me passa des menottes aux poignets et à la queue, les deux étant reliées entre elles, afin de ne permettre qu'une mobilité limitée : pas de quoi nager à toute vitesse ni se battre.

— Adressez-vous autrement à votre véritable Reine, ou vous le regretterez, cracha Naïda.

Comme prévu, les soldats n'esquissèrent pas la moindre réaction. Toutefois, il en était autrement du reste du sous-sol. De violents murmures naquirent dans les cellules, et l'on vint s'agripper aux barreaux, tenter de passer sa tête au travers, pour m'apercevoir. Certains courageux entamèrent de m'acclamer, de m'applaudir, mais je n'étais pas capable de compréhension. Je me contentai alors d'esquisser un discret sourire, pour les remercier. Mais je redoutai la conséquence de ce comportement. N'allaient-ils pas être punis pour leur soutien ? Ainsi, mon cœur s'excita de peur plus que de reconnaissance, à l'entente de ces ovations.

Un puissant coup de lance fut frappé contre l'une des cages, qui vint secouer d'une onde toute l'eau alentour, laissant derrière elle un son vibrant et désagréable. Cela suffit à ramener à l'ordre les quelques rebelles, qui se turent, mais ne se reculèrent pas pour autant. Alors que je passai devant eux, encadrée de trois quatre soldats devant, quatre derrière, et deux à mes côtés, ils me fixèrent longuement, avant d'incliner la tête. Je supposais à leur manière de me considérer que ceux-là étaient des Rebelles.

« Désolée », me glissa Naïda, en ne remuant que les lèvres. L'Aequoriale était debout, cramponnée aux barreaux, la flamme des regrets habitant son regard. La colère s'était reculée pour laisser grossir la culpabilité de l'échec. Je la rassurai, d'un battement un peu plus prononcé des paupières. Elle avait accompli une partie de sa mission en m'emmenant jusqu'à Prolyrem, et en me faisant pénétrer le palais, tout cela au péril de sa vie.

Jel, lui, ne m'adressa pas une excuse, mais un souhait tacite. Le jeune soldat me détaillait intensément, ses yeux azur plongés dans les miens. Et je sus à ses jointures blanchies, sa mâchoire contractée, sa posture guerrière qu'il ne voulait qu'une chose : que je les fasse tomber. Chose que je ne pouvais pas lui promettre. Je le quittais sans pouvoir lui fournir la moindre réponse, violemment poussée dans le dos.

Alors qu'on me reconduisit dans les étages supérieurs, je mémorisai le trajet dans ma tête, me construisant une carte. Elle me servirait lorsque j'aurai l'occasion de revenir chercher Jel et Naïda.

À ma surprise cependant, je ne fus pas emmenée dans la salle du trône. Je traversai de longs couloirs, franchis de hautes portes, jusqu'à la dernière : la porte d'entrée. Je compris alors que je n'avais pas les yeux bandés, et que cela devait être pour une raison. Pour eux, je ne reviendrai jamais ici.

Mes craintes se confirmèrent lorsque je sortis du palais, arrivant sur une large cour, peuplée de monde, surélevée en son centre d'une haute estrade. Et, nageant tranquillement au-dessus de la foule : des Valets. Mais ceux-ci avaient l'air agressifs, avec leurs chaînes, leurs pics et leur armure. Leurs nageoires remuaient furieusement, envoyant valser dans les courants quiconque se trouverait trop près. Les créatures n'étaient retenues que grâce à d'épaisses chaînes en fer, et aux fouets manipulés sévèrement par les soldats les surveillant. Manifestement, ils étaient là pour moi.

À mon arrivée, les têtes se relèvent, et des poings émergèrent de la masse, appuyés de cris. Je constatai, la gorge serrée, que j'étais huée. Forcément. Le Roi n'avait aucun intérêt à convier des Rebelles à l'exécution de ma sentence. Personne ici ne viendra me sauver.

En débit de la peur me serrant tout à coup la poitrine, j'avais été bien entrainée et ainsi, avais acquis certains réflexes. J'inspectai chaque recoin de l'espace, cherchant la moindre issue, la moindre fissure par laquelle se faufiler, et comptant les mètres qui me séparaient d'elles. Mais tout ce que je voyais, c'était une rangée de gardes postés chaque deux mètres le long du mur, leurs lances croisées et leur regard passant au crible chaque recoin de la scène.

Coincée. J'étais coincée.

J'invoquai mon lien d'Amiliée, cherchant dans les tréfonds de mon âme la présence de mon Amili. Où était retenu Halcyon ? Allait-il bien ? Je le sentais proche, mais ne le voyais nulle part.

Un rugissement furieux, traduit par un enchaînement de sons suraigus, foudroya la place. Un portail en métal venait de coulisser sur un mur, s'ouvrant sur ma Lumière, visiblement hors d'elle. Dix Aequoriales s'occupaient à la maîtriser, luttant contre les mouvements puissants de ses ailes et de sa queue, les gigotements impérieux de son dos. Halcyon était déchaîné, je l'avais rarement vu comme tel. Je pouvais sentir toute l'angoisse qu'il avait éprouvée ces dix dernières heures. Des milliers de questions se mélangeaient dans sa petite tête de dragon : où étais-je ? Vivante ? Morte ? Avais-je besoin de lui ? Et s'il arrivait trop tard ?

Je n'avais jamais compris aussi distinctement les pensées de mon Amili. La peur et l'urgence — l'inquiétude de se perdre l'un l'autre — avaient décuplé la force de notre lien.

Quand ses yeux dorés rencontrèrent les miens, le soulagement qui le traversa fut de courte durée. Il avisa rapidement l'estrade, la foule, et mes chaînes. Additionna deux et deux. Puis, sa collerette frémit, ses oreilles tressaillirent, et sa gueule se rouvrit sur un spectacle de crocs et de crics. Calme-toi, calme-toi, je t'en prie, lui susurrai-je, depuis l'intérieur de moi-même. Ou ils te feront du mal. Mais rien ne semblait pouvoir calmer la jeune Lumière, à cet instant.

L'on me fit monter sur l'estrade, mes bras violemment maintenus derrière mon dos. Le Roi et la Reine siégeaient sur un balcon en face, coiffés de leur couronne. Le sourire satisfait qu'ils m'adressèrent, et le regard brillant de vengeance suffirent à raviver ma colère. Si seulement Vaeri, Lenora et les autres se tenaient avec moi... nous ne ferions qu'une bouchée de leur orgueil.

Le Roi leva la main, faisant taire de ce seul geste la clameur populaire.

— Mes chers frères, mes sœurs. Avisez cette jeune fille. Vous rappelle-t-elle quelqu'un ?

Il laissa échapper un ricanement, bien trop heureux de sa mise en scène. Un millier de paires d'yeux fondirent sur moi, me détaillant de la tête à la nageoire. Je redressai la tête.

— Laissez-moi vous présenter la progéniture de notre Leia Illire Selenis, notre non regrettée traîtresse de Reine.

Un calme froid. Je le fusillai du regard. Ma mère n'était pas une traîtresse, et je mourais d'envie de le hurler, sur cette place, devant tous ces prétendus sujets. Ma mère s'était au contraire sacrifiée pour leur survie, la mienne, et celle de tous les autres peuples. C'était une Gardienne de mérite.

— Mais attention, voilà une surprise : Leia ne nous a pas trahis une fois, en nous abandonnant, mais deux. Observez ce teint mat, ces reflets dorés, ce sang chaud. Oui, vous pensez bien, se délecta-t-il, alors que des sifflements de protestations émergeaient depuis les rangs. Cette jeune fille n'est pas complètement aequoriale... dans son sang coule également celui de nos pires ennemis, les Meridiems. Ces oiseaux arrogants, égoïstes, insolents.

Je serrai les poings. Il se leva de son siège, passa au-dessus de la bordure, et nagea jusqu'à moi. Puis, désignant sa couronne, faignant la pitié d'un retroussement de ses lèvres, il poursuivit :

— Et elle ose revenir ici, quémander son droit de règne !

Des rires et des soupirs outragés fendirent la foule. Un mensonge. Je me retins de lever les yeux au ciel, et rétorquai, haut et fort, pour que tous puissent m'entendre :

— C'est faux, ce n'est pas...

Une violente gifle me fit taire. La joue incandescente, je gardai la tête baissée, tentant de réfréner la colère bouillonnant dans mon ventre. Je ne connaissais pas pire humiliation que ce geste.

— Ta famille a perdu sa légitimité et tout droit sur nous à partir du moment où elle s'en est allée, sans même un regard en arrière, laissant derrière elle un royaume déchiré, gronda le Roi.

Et je haïs cette tristesse feinte, cette fausse amertume.

— Mon peuple, je vous laisse décider. Il est temps de venger les temps durs traversés, nos pertes, notre chagrin. Quelle sera sa punition ? La mort, l'exil, la prison ? À moins que certains d'entre vous ne désirent faire preuve de mansuétude...

Son regard parcourut la cohue, mais personne ne se manifesta. C'est à cet instant que je réalisai à quel point nombre de personnes en étaient venues à détester ma famille, plus que je n'aurais pu me l'imaginer. Cela fit s'envoler d'un coup mes illusions, celles priant fort pour trouver un allié dans la foule.

— Le peuple a parlé. Pas de mansuétude, donc. Alors ?

Tout ceci n'était qu'un jeu, pour lui. Il adorait me voir souffrir de l'attente, de mon impuissance. Il se délectait du pouvoir volé qu'il exerçait sur moi.

Un vacarme noya la foule. Chacun criait sa sentence favorite, haut et fort, en levant le poing. « Exil », « prison », et même « la mort ! », étaient répétés dans tous les sens, sur toutes les langues. La fureur habitait les regards, d'une manière irrationnelle, irréfléchie. Un frisson remonta mon échine. L'atmosphère brûlante ne fit qu'exciter ma Lumière davantage, et un jet de flammes blanches vint lécher les murs, et les quelques malchanceux qui se trouvaient trop près. Les hurlements se tassèrent quelque peu, la réaction de mon Amili ayant refroidi les plus hardis.

Je fis face à mes bourreaux, tentant de transmettre un message à travers mes yeux. Je n'étais pas ici en ennemie. Au contraire, je cherchai leur aide. Mais personne ne semblait décidé à me regarder dans les yeux. Ils criaient, se prononçant sur mon sort ; mais ils n'osaient pas me le dire en face. La déception prit le pas sur la colère. Ainsi, était-ce le peuple de ma mère ? Le peuple de la lune, de la sagesse, de la raison ? Qu'était-il devenu ?

— Suffit !

Le Roi avait regagné son fauteuil, nonchalamment accoudé, la tête pendante. Il n'avait même pas crié, mais l'ouïe surdéveloppée de cette espèce la rendait sensible au moindre son ; il n'en avait pas besoin. Un sourire mauvais étirait le coin de ses lèvres. Invisible pour certains, mais immanquable pour moi. J'avais vu le même sur Archaos. La même folie.

— Vous vous êtes prononcés. La sentence est irrévocable...

Il marqua une pause, plongea ses yeux dans les miens. Je sus, avant qu'ils ne sortent de sa bouche, les mots qu'il s'apprêtait à prononcer :

— La Mort.

Il était évident que mon sort était scellé depuis le début. L'avis de ses partisans n'y aurait rien changé. S'ils avaient décidé de me laisser la vie sauve, il aurait trouvé un moyen de me diaboliser davantage, jusqu'à ce que tout le monde n'aurait souhaité plus qu'une chose : que je disparaisse.

Je restai de marbre, ce qui sembla le décevoir. Peut-être ne jouai-je pas le rôle qu'il avait prévu pour sa pièce, c'est-à-dire la pauvre princesse condamnée. Il s'attendait à une effusion de cris et de larmes ? Il allait être déçu. Je n'étais pas d'humeur ce soir. Non, en fait, j'étais d'un calme presque olympien ; la prononciation de ma fin prochaine m'avait à peine effleuré l'esprit. J'étais emprise d'un sentiment de force intérieure, qui m'était à la fois familier, et étranger. Je me sentais être quelqu'un d'autre, comme si une autre lumière s'était tout à coup installée en moi. Je fermai les yeux, inspirant profondément. Quand je les rouvris, mon front était brûlant.

Tout le monde s'était tu. Leurs grands yeux éberlués détaillaient avec insistance ma marque, s'effrayant sûrement de la présence du Soleil, mélangé au croissant de Lune. Certains reculèrent, tremblants. D'autres paraissaient comme paralysés. Mais aucun n'avait l'air d'avoir oublié ce que ces deux symboles astraux signifiaient ni ce qu'ils procuraient. Le pouvoir.

Si le Roi parut déstabilisé un instant, il se reprit vite, la rage déformant ses traits. Son front, sous sa couronne, n'avait jamais semblé aussi nu maintenant que ma marque luisait sur le mien. D'un ordre hurlé en Aequorial, il s'adressa aux Valets et à leurs gardiens. Les chaînes s'ouvrirent alors en des cliquetis étouffés par l'eau, puis tombèrent lentement au sol, bercées par le courant. Les créatures venaient d'être relâchées, et elles semblaient parfaitement conscientes de leur cible. Je fus tentée de reculer, alors que je les vis fondre sur moi, leur gueule grande ouverte, leurs épines dressées, leur nageoire battant furieusement dans l'eau.

Dans ma tête, cela fut l'affaire de dixième de secondes. Les mots de Jel me revinrent en mémoire : « Ce sont des Vateri, « Valets », créatures qui n'obéissent qu'aux ordres de la couronne ».

« Qui n'obéissent qu'aux ordres de la couronne »

« Qui n'obéissent qu'aux ordres de la couronne »

Une intuition profonde naquit depuis le fond de mes entrailles, comme si je connaissais la solution depuis toujours. Comme si elle m'avait été transmise, et apprise. En un éclair, le souvenir qui m'avait été rendu lors de ma nomination me revint en mémoire : ma mère, penchée au-dessus de moi et me transmettant son pouvoir, alors qu'elle vivait ses derniers instants. Et je compris : cette force, je la tenais d'elle. Quelque chose que Leia m'avait transmis se souvenait de cet endroit, de ces gens, de ce peuple.

Alors que les Vateri ne se trouvaient plus qu'à un ou deux mètres de m'atteindre, je levais une main, paume vers l'avant, deux doigts dressés. Ce simple mouvement laissa derrière lui une traînée de lumière, comme celle que Talori m'avait révélée quelques heures plus tôt : l'Aquanascens. D'un geste vif, je traçais un fin croissant de Lune dans l'eau, qui scintillait de doux reflets nacrés. Il ne fut visible qu'une courte seconde, avant de se dissoudre en une aura lumineuse qui vint secouer les horizons.

Je n'avais aucune idée de ce que je venais de faire, je m'étais simplement laissée guidée par mon intuition. Mais cela avait marché.

À peine furent-ils touchés par la lumière, que les Valets s'immobilisèrent. Leur regard changea du tout au tout, se faisant moins prédateur, moins agressif. Une lueur intelligente s'éveilla dans leurs prunelles, et leurs longs piquants se rétractèrent. Quand ils m'approchèrent toutefois, j'eus un mouvement de recul : et si ce n'était qu'une ruse ? Mais il n'en était rien. Les Vateris arquèrent leur colonne, en ce que je compris être une révérence. Abasourdie, je ne fus capable de rien d'autre que les observer.

La foule s'était faite si silencieuse que l'on pouvait entendre le frottement de l'eau contre nos écailles, et les respirations de chacun : saccadées, hachées, bruyantes. Des milliers de paires d'yeux me détaillaient avec insistance, crainte et même... respect. La colère semblait avoir déserté les rangs, pour laisser place à la stupeur. Je les laissai me détailler, bien consciente que la simple vision du symbole royal sur mon front était un grand bouleversement, pour ce peuple sans couronne depuis une centaine d'années.

Je me concentrai plutôt sur le Roi. Celui-ci s'était redressé sur son siège, ses yeux rouges et les veines du cou saillantes. Il était bouillonnant de rage, à tel point qu'il était incapable du moindre mot. Quant à sa compagne, son visage était encore plus pâle qu'il ne l'était déjà — presque translucide. Ses yeux ne se détournaient plus de ma présence, figés sur l'instant. Je remarquai ses ongles enfoncés dans le velouté de son trône, si bien qu'on ne les distinguait presque plus.

Pas un mot ne franchit nos lèvres. Mon cœur battait à mile à l'heure, alors que nous entamions un duel de regards. Le mien, plein de défi, de regret et de colère ; le sien, d'une fureur telle que je m'étonnais de ne pas m'écrouler sur place.

Mon plan n'impliquait pas ce coup de théâtre, loin de là ; s'il n'avait pas été l'unique solution à mon exécution, j'aurais préféré garder le secret de ma naissance secret — du moins pour l'instant. Mais il m'y avait poussée, aveuglé par son désir de me voir disparaître, comme la menace que je représentais. Il s'était fait prendre à son propre jeu.

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