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2 | La Compagnie de l'Arc

« Et si votre âme sœur se trouvait dans les bras d'un autre ? » clame une affiche sur la porte vitrée de l'accueil. L'illustration, une fille recroquevillée et en pleurs contre la brique d'une ruelle pluvieuse, me rappelle ces vieilles pubs démodées qui escroquaient les sentiments boiteux des adolescentes au 7 13 13. Une seconde image propose d'aller dénicher l'amour de sa vie au bout du monde. Entre nous, le partenariat avec une organisation de voyages se remarque comme mes kilos en trop dans un jeans taille basse.

L'agence matrimoniale loge à proximité des Champs-Élysées, dans l'un de ces bâtiments haussmanniens à la pierre vieille de plusieurs centaines d'années. Un grand hall parsemé de sofas gris s'étire derrière les portes en bois massif. Sa lumière crue dessine de petites lignes blanches sur le pétale des fleurs en plastique disposées un peu partout. Sur les murs, de nombreux posters vantent les exploits du service interne ou décrivent la procédure d'inscription. Près du renfoncement qui semble mener à l'espace réservé au personnel, je distingue un planisphère recouvert de punaises rouges. Des filiales à l'international, donc.

Cette décoration apaisante ne suffit pas à calmer les visiteurs, car l'un d'eux secoue ses papiers devant une élégante secrétaire en tailleur beige.

Faisant fi du logo avec un arc et une flèche en forme de cœur, je prends mon courage à deux mains, le casque de scooter sous le bras, et entre à l'intérieur malgré le client qui continue de postillonner sur la trentenaire au chignon irréprochable. Et pour accompagner la grosse voix du bonhomme, les feuilles claquent contre le comptoir au rythme de son assaut verbal.

— Vous avez entraîné ma femme dans vos locaux ! hurle-t-il, chaque nouveau mot ponctué par un grognement de rage tenant plus du phacochère que de l'être humain. Ma femme. Vous comprenez ce que ça signifie ? Elle est déjà mariée !

Ben voyons. Une entreprise spécialisée dans le harponnage des poissons en ménage, on aura tout vu.

La réceptionniste ne paraît pas tellement embarrassée par ces reproches. Elle s'avachit sur une paume et toise son interlocuteur par-dessus les verres en triangles contre lesquels se reflète l'écran de son ordinateur.

— Écoutez, je n'ai pas que votre réclamation à traiter. Et puis votre femme vient d'engager une procédure de divorce, si je ne m'abuse.

Je serre le paquet contre mon ventre. Comment peut-on encourager l'adultère et plumer les gens d'une façon aussi dégueulasse ? Comment peut-on abandonner cet homme à son propre chagrin, à cette colère pourtant si légitime, dans un simple haussement de sourcils condescendant ?

Le moindre incident de ce genre me ramène à François et à ses aventures d'un soir que je faisais mine d'ignorer. Quand la place se libère enfin, j'ai les nerfs en ébullition.

— Bonjour, me forcé-je à articuler gentiment. Je viens vous apporter un colis livré par erreur.

— Soit, soit. Veuillez prendre un ticket et attendre votre tour.

Elle ne daigne pas lever les yeux vers moi une seule seconde. Je tapote sur le comptoir pour attirer son attention :

— Dites donc, c'est une faveur que je vous rends, madame. Si vous croyez que je vais poireauter pendant des heures, vous vous foutez le doigt dans l'œil.

Quoique j'aurais aimé lui suggérer un endroit différent où se le foutre. Abasourdie, la secrétaire inspire et commence à retirer sa monture – plus facile pour se mettre un doigt dans l'œil, en effet – lorsque des bruits de pas retentissent depuis l'extrémité du couloir adjacent.

Un gars à la carrure fine et élancée s'avance jusqu'à moi. Son index de pianiste remonte ses lunettes pour mieux lire l'étiquette du colis qu'il me chipe des bras.

— Ah ! Super ! J'avais hâte qu'il arrive !

Les ampoules trop pâles se projettent sur les carreaux épais, retenus par une arête nasale en bosse, sans doute brisée à cause de longues parties de foot à rester dans la cage du gardien. Les épaules mangées par la chemise qui ressort du pantalon sans ceinture, il secoue le carton comme pour s'assurer du contenu.

Je rêve, ou le type se balade en chaussettes sur son lieu de travail ?

— Veuillez excuser notre hôtesse, elle est un peu à cran à cause de comportements discourtois, lâche-t-il, une main tendue vers la mienne. Enchanté, je m'appelle Elliott Rhys. Suivez-moi un instant, je vais vous donner un reçu pour que vous n'ayez pas de problème avec la société de livraison. Je ne souhaite pas qu'ils vous accusent de vol.

De mieux en mieux.

Je lui emboîte le pas jusqu'à l'ascenseur, de mauvaise grâce. Au quatrième étage, nous nous aventurons dans un dédale de tournants inextricables, accompagnés par les sons permanents de machines électroniques et d'appels étouffés. Certaines portes sont à moitié ouvertes et me font entrevoir des conseillers dans l'exercice de leur fonction. Grosso modo, ils tapent sur un clavier ou proposent une boite de mouchoirs à une silhouette en sanglots.

Parfois, nous marchons près de hublots derrière lesquels s'étendent des mers de câbles enchevêtrés et reliés à de gros blocs aux allures de ballon d'eau chaude. Cet endroit ressemble plus à un laboratoire de recherche qu'à une agence chargée de faire s'aimer les cœurs en peine. Les fleurs du hall ont rapidement laissé place à une atmosphère lourde, presque effrayante.

— Vos salariés semblent en plein branle-bas de combat, je fais remarquer tandis que nous laissons passer quelqu'un en nous décalant sur la droite.

En dehors de sa secrétaire, Elliott Rhys est l'unique personne qui fait preuve d'un calme olympien au milieu de l'effervescence générale des bureaux. Il chasse les boucles cuivrées, qui contrastent avec la carnation diaphane de sa peau, en secouant la tête.

— Vous avez parlé de « mes » salariés. Comment avez-vous su que j'étais le directeur ?

— Une intuition, comme ça.

— Ah ! Pendant que nous y sommes, cela vous tenterait-il de tester votre compatibilité sur nos serveurs ?

— Pour être franche, je ne suis pas sûre d'adhérer à votre système de valeurs. En fait, j'en viens à me demander si vous n'êtes pas la cause principale de ma faillite professionnelle.

Tu m'étonnes que plus personne ne veut se marier, avec un taré pareil dans les environs.

Il sourit.

— Oh, vous êtes ce que l'on surnomme une wedding planner à la française ? s'étonne-t-il, pas déstabilisé pour un sou. Considérez plutôt que je vous apporte la plupart de vos clients, dans ce cas. Il est vrai que nos méthodes paraissent peu conventionnelles, cela dit.

Sans blague ?

— Vous détruisez des familles.

Ma voix a grimpé d'une octave. À mesure qu'il étale son joli discours du très classique « la fin justifie les moyens », mes poings se contractent contre le tissu de mon jeans. Ce type n'a manifestement jamais connu la trahison ultime, sa perte de confiance inhérente, cette sensation qui vous serre la poitrine et semble vouloir l'essorer jusqu'à ce que vous n'ayez plus rien à l'intérieur.

Et dire que j'ai failli déposer mes tracts dans leur agence de malades !

— Nous sommes en quelque sorte des anges de l'amour incompris, termine-t-il sans se démonter. Il arrive que des personnes se trompent, et nous sommes là pour réparer leurs erreurs. Mais au fait, si vous êtes organisatrice de mariages, pourquoi ne pas discuter d'un possible partenariat dans mon bureau ? Nous pourrions trouver des...

— Vous plaisantez ?

Je laisse échapper un ricanement amer.

— Oubliez le reçu et ne faites plus appel à un service de livraison aussi pourri, d'accord ? Ce sera mieux pour tout le monde.

Je fais demi-tour et m'engage en sens inverse, les larmes au bord des yeux. En écrasant les sentiments de tous ces inconnus, j'ai l'impression qu'il m'écrase, moi. Comme si l'amour n'était qu'une évidence, réservé à deux parties strictement définies à l'avance. Comme si François n'était pas fautif d'avoir rencontré sa véritable moitié au milieu d'une relation susceptible d'aboutir, enfin.

En rejoignant le hall, je réalise qu'il est certainement le propriétaire de l'appartement 36. Et je pouffe à l'idée que François se serait entendu à merveille avec mon voisin de palier. Et puis je pleure en me rendant compte que, dehors, il s'est mis à pleuvoir.

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