Chapitre 16
Palaïós traçait des runes anciennes accompagnées d'une étoile gigantesque. La craie qu'il utilisait sur les dalles de pierre crissait à leur contact. Astós était adossé à un mur, faisant rouler inlassablement la bille entre ses longs doigts froids. Il avait regagné suffisamment d'énergie depuis l'affrontement pour pouvoir peut-être ramener sa mère. Korè et Maximus discutaient un peu plus loin. Sklerótes, elle, était assise contre la grille, sous sa forme de jeune femme.
- Il y en a encore pour longtemps ? s'impatienta-t-elle. Déjà six heures qu'on est là.
Palaïós ne dit rien et continua de tracer ses runes indescriptibles et indéchiffrables. Sklerótes vit passer un cafard sous ses yeux, un instant plus tard, il était réduit en bouillie dans sa bouche, le prince la regarda avec dégoût.
- J'avais faim, parvint-elle à se justifier entre deux claquements de mâchoires.
- Il n'empêche que c'est vraiment répugnant...
Ce commentaire ne dissuada pas la Dnophos de se resservir une fois ou deux de plus.
Plusieurs dizaines de minutes et quelques cafards plus tard, Palaïós se redressa dans un grincement effrayant, brandit sa craie vers le ciel et émit des hurlements farfelus.
Personne ne comprenait ce qu'il se passait, tous les gens présents dans la salle se regardaient avec des yeux qui traduisaient leur incompréhension. Et finalement, il s'arrêta. Tous retinrent leur souffle, ne sachant plus trop à quoi s'attendre de la part du vieux sorcier. Il respirait fort et avec difficulté.
- Ça y est, j'ai terminé, nous allons pouvoir commencer.
Tout le monde leva les yeux vers le vieil homme, prêts à démarrer.
Les amis se redressèrent tous avec peine, engourdis par le temps passé inactifs. Sklerótes fut la première à demander les instructions.
- Où devons-nous nous placer ? demanda-t-elle.
Il pointa la branche la plus éloignée de lui.
- Juste là, Sklerótes, ordonna-t-il. Ici (il désigna une autre branche) Astós. Les autres, placez-vous de parts et d'autres de l'étoile.
Tous s'exécutèrent.
- Sklerótes, j'ai besoin d'Anastasis s'il te plaît, ajouta-t-il.
La Dnophos lui lança avec précision le collier qui contenait les cendres de sa petite sœur. Palaïós réceptionna celui-ci en pliant légèrement les genoux et en se baissant. Il l'ouvrit et le plaça au centre de l'étoile. Il traça encore quelques runes autour du bijou et marmonna une litanie de sorts incompréhensibles. Astós était en panique, excité et très anxieux.
Le sorcier se dirigea à reculons vers sa branche et écarta les bras de façon à ce que chacun puisse se tenir. Ses amis l'imitèrent et bientôt, tous, même Kyneos, se tenaient fermement par les mains.
Au même moment qu'un frisson parcourait le groupe, toutes les bougies de la pièce précédemment allumées par le sorcier s'éteignirent ensemble.
Palaïós, très concentré, ne détourna pas le regard du centre de l'étoile. Le groupe ne jugea pas pertinent de le distraire.
Il continua de scander des paroles intelligibles. D'un seul coup, une lumière s'éleva des contours de l'étoile. Les amis voulurent tous reculer d'un pas, effrayés, mais personne ne bougea, de peur de faire tout rater.
Le médaillon contenant les cendres avait été ouvert par Palaïós plus tôt. Son contenu s'éleva dans les airs, et tourbillonna. Le sorcier ne cessait de marmonner. Le tumulte de l'air tourbillonnant était assourdissant dans les oreilles des Héritiers.
Chacun sentait l'emprise du pouvoir du vieil homme, et leurs mains se décrispaient peu à peu les unes des autres. Ils perdaient de l'énergie, comme prévu. En revanche, ce qui n'était pas prévu, c'était qu'elle parte si vite.
Après à peine trois minutes, Astós sentait déjà ses paupières s'alourdir. Palaïós dût sentir le manque de vivacité du groupe et secoua par la main Korè, qui était la plus proche de lui. Il lui murmura quelque chose entre deux incantations, le groupe n'entendit pas ces messes basses. Néanmoins, la jeune fille se mit à sauter péniblement sur place, c'est elle qui prit alors la parole, essayant de communiquer à travers le tumulte de l'air. Elle dit :
- À tous ceux qui arrivent à m'entendre; faites comme moi, sautez, ne laissez pas la fatigue vous envahir. Si vous perdez conscience, c'est fini, nous aurons échoué, et nous ne serons pas en pouvoir de retenter ça avant un long moment.
Elle regarda Astós puis Endiàthetos.
- Faites-le pour eux, même si c'est dur. Allez, sautez !
Le groupe se transmit le message et tous commencèrent à sautiller sur place. Palaïós, lui ne bougeait toujours pas, il avait toujours le regard fixé vers le milieu de l'étoile, là où une forme de taille humaine s'élevait. Le pendentif scintillant au centre de celle-ci
Il murmurait encore, toujours.
Tous poursuivirent ainsi pendant plus de trois quarts d'heure.
Ils étaient désormais à bout de force, mais le vieux sorcier, qui avait cessé de marmonner les encourageait :
- Allez mes enfants, vous allez y arriver, la procédure est presque terminée, il faut tenir encore un peu.
Alors, épuisés, ils continuaient de passer d'un pied à l'autre, tentant d'être le moins statique possible.
Mais tous n'avaient pas la même capacité d'endurance. Même pas cinq minutes après, Astós cessa de se mouvoir en regarda Sklerótes à sa droite.
Sa vue se brouillait et ses yeux se remplissaient de larmes, il avait mal, terriblement mal. La fatigue le gagnait et il avait de plus en plus de mal à ne pas sombrer dans l'inconscience. Il ouvrit la bouche pour crier quelque chose à sa tante, mais seul un râle grave en sortit. Quand il voulut réessayer, il vit que son monde bascula, puis il se sentit heurter violemment le sol.
Ses amis ne réfléchirent pas une seconde et accoururent à son secours, alarmés par sa chute brutale. Sklerótes le plaça en position latérale de sécurité et prononça plusieurs fois son nom tout en lui secouant les membres et en le frappant. Les autres l'appelaient aussi depuis ses côtés.
Plus personne ne prêtait attention au sort. Même Kyneos restait debout derrière le groupe, attendant d'avoir des nouvelles du prince. Les cils d'Astós battirent légèrement et tous purent enfin respirer. Il ouvrit de nouveau les yeux après de pénibles minutes et tenta de s'adapter à la luminosité de la pièce, même si celle-ci n'était pas très élevée.
Korè prit immédiatement le prince dans ses bras avant de le repousser gentiment et de lui crier dessus.
- Astós, ça va pas de nous faire des frayeurs comme ça ? La prochaine fois préviens avant de t'effondrer au sol pendant un sort, dit-elle, avant d'écarquiller les yeux.
- Le sort, murmura Maximus.
Astós prit son visage dans ses mains et les larmes commencèrent à dévaler la pente de ses joues déjà secouées par ses sanglots.
- J'ai tout raté... C'est ma faute, le sort a échoué, c'est entièrement ma faute. Pourquoi tout tourne toujours mal quand je suis là ?!
- On réessaiera dès que possible Astós, c'est promis, ne t'inquiète pas, on va finir par y arriver. Tu n'étais pas prêt, c'est tout, le rassura Sklerótes. C'est possible, n'est-ce pas Palaïós ?
Le vieil homme acquiesça, mais Astós n'arrêta pas de pleurer pour autant.
- Peut-être, mais vous avez dû endurer ce calvaire pour rien. Maintenant, on est tous fatigués et il ne s'est rien passé. On aurait pu la revoir aujourd'hui. J'en ai assez !
Les larmes coulaient sur plusieurs visages, par tristesse, compassion ou douleur. Tout le groupe fixait le sol, l'air coupable.
Astós et ses amis étaient toujours dos à l'étoile quand une autre voix qui les fit sursauter emplit la salle.
- Hum, excusez-moi, mais je peux savoir ce qu'il se passe ?
Le groupe fit volte-face et aperçut cette silhouette entourée de brume qui demanda :
- Sklerótes ? C'est bien toi ?
L'intéressée scruta un peu plus longtemps le visage de cette personne, autour duquel le voile blanc se dissipait.
- Anastasis ! cria-t-elle.
----------------
NDA : Merci pour votre lecture ! Je vous annonce fièrement que ce chapitre est l'avant-dernier de ce roman. Si tout se passe bien, le dernier devrait paraître la semaine prochaine avec les remerciements.
Pendant les vacances je travaillerai sur la réécriture et la correction de cet ouvrage !
J'en suis assez fière, car c'est mon premier vrai roman terminé !
En attendant je vous invite à aller lire d'autres œuvres sur mon compte et à vous abonner pour vous tenir au courant des mises à jour sur ce livre.
Je vous souhaite une bonne journée / nuit !
Bisous !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Com