𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟔
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C H A P I T R E 2 6
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Un mois après...
Les dents de Devi arrachent un morceau d’un de ses fameux brownies vegan tandis que, du bout des ongles, elle tourne une page de son livre. Un téléphone posé sur l’oreille, je l’observe faire distraitement.
— Vous comprenez, mademoiselle (T/N), que vous ne pouvez pas continuer à agir de la sorte ? demande une voix doucereuse, non sans une intonation condescendante que j’ignore sciemment.
— Ecoutez, dans mon métier, des réunions de dernières minutes sont souvent possibles et je n’ai pas de nourrice à disposition…
— Cela n’est pas mon problème. Je ne tolèrerais pas que vous recommenciez. Vous ne pouvez pas nous appeler le jour-même pour nous demander de garder Ediz à l’étude, nous ne prévoyons pas assez de goûters pour ça !
Là-dessus, la conversation se coupe brutalement. Le téléphone éteint toujours posé sur l’oreille, je grimace avant de souffler :
— Au revoir à vous aussi, madame la directrice.
Lâchant mon téléphone portable, je me laisse choir au fond de mon siège dans un long râle de frustration. Le regard de Devi me suit dans mon geste et elle ferme son bouquin dans un claquement sec.
A l’exception de nos deux présences, la salle de pause est vide.
— Pourquoi tu ne bloques pas cette abrutie ? Elle t’harcèle de coups de fil injurieux !
— Je ne peux pas bloquer le numéro de la directrice de l’école d’Ediz. Surtout que ses reproches ne sont pas totalement injustifiés…
— Tout de même, elle pourrait faire un effort et tenter de comprendre ta situation.
Je ne réponds pas. Situation…
Là est un terme idéal, particulièrement adéquat. Quelques lettres griffonnées du bout de la langue afin d’en éviter quelques spasmes, tremblotements qui ne sont que le résultat d’une gêne sans pareille. Situation…
Une énigme, secret de polichinelle, que tout le monde garde en tête sans que nul ne brise le sceau de mutisme. Situation…
Histoire de ne pas avoir à dire à haute voix la vérité.
— Ce n’est pas bien grave, Devi… Bon, je dois aller remettre ça au chef.
Ses grands yeux me fixent, curieux, tandis que je me lève. Quelque chose a changé, dans son regard, depuis qu’elle a appris la nouvelle. Et je n’aime pas cela.
A vrai dire, depuis un mois, tous les regards ont changé.
Me réveillant dans le lit d’hôtel vide de Shota — après avoir passé une bonne partie de la nuit immobile, angoissée à l’idée de prendre la moindre inspiration — je suis tombée sur une note. Griffonnée hâtivement, elle m’empressait de prendre soin de moi et exprimait le bonheur bref que Shota avait connu dans nos entrevues.
Alors, quittant sa demeure temporaire, je suis rentrée chez moi. Fawzia ne s’y trouvait plus. Je ne m’en suis pas inquiétée. Edward, Dan, Bosuard et moi avons petit-déjeuné en silence, encore embarrassés de la grande dispute de la veille.
Puis, la vie a suivi son cours. Jusqu’à ce que mon téléphone sonne, le soir-même. Il s’agissait de la première fois que je recevais un appel de la directrice de l’établissement d’Ediz. Mais pas la dernière.
Loin de là.
Fawzia étant injoignable, elle m’a alors demandé de passer le chercher. Inquiète, je l’ai hébergé pour la nuit en appelant sans cesse le numéro de Fawzia. Sa boîte vocale a tant résonné dans mon appartement, cette nuit-là, que je l’entends encore parfois, au loin.
Comme une musique entêtante qui ne me quitte pas.
« Bonjour ou bonsoir, vous cherchez à joindre Fawzia et je ne vous réponds pas ? Inutile de laisser un message, je ne l’écouterais pas. Les textos, ça existe. »
Au départ, j’espérais réellement la joindre. Sans arrêt, j’ouvrais son contact. Puis, laissant Ediz dans mon lit, m’installant dans le canapé sous le regard soucieux d’Uryu, j’ai continué mes appels.
Au bout d’un certain temps, je ne les passais plus que par habitude, sans trop d’espoir. Quand, soudain, le message vocal auquel je m’attendais n’a pas retentit.
Au lieu de cela, une voix douce et féminine a soudainement déclaré à mon oreille :
« Le numéro que vous venez de composer n’est pas attribué. Veuillez le modifier ou rappeler ultérieurement. »
Lorsque j’ai entendu cela, j’ai compris.
Fawzia était partie. Me laissant le soin de m’occuper de son enfant.
— (T/P) ? retentit une voix masculine, dans mon dos.
Comme chaque jour à midi et demie, mes pas m’ont machinalement conduite jusqu’au sixième étage de cet immeuble imposant. Et, tandis que, plongée dans mes pensées, je m’apprêtais à frapper à la porte de Curtis Monroe, le Directeur des Ressources Humaines qui m’a reçue en entretien d’embauche — et qui sait donc la réelle raison de ma présence en ces lieux — ce dernier vient de surgir derrière moi.
Me retournant, j’offre un sourire à l’homme qui s’éponge déjà le front de son mouchoir. Il prend grand soin de faire de même avec la paume de sa main avant de saisir le dossier craft que je lui tends.
L’entrouvrant, il vérifie d’un coup d’œil rapide le contenu.
— Pas trop compliquée, cette couverture prolongée ? demande-t-il en me dépassant, ouvrant la porte de son bureau.
Je réprime un soupir.
Officiellement, mon emploi ici est similaire au précédent. Officieusement, j’agis encore en qualité d’espionne. Shota m’ayant remerciée — suite à des menaces que j’ai reçue — je n’exerce plus comme « agent double », fournissant des informations à cette entreprise puis à cette du noiraud.
Je ne travaille plus que pour Curtis — enfin, Nael Fouad, que je n’ai jamais rencontrée et qui est à la tête de cette entreprise.
Je n’ai plus jamais reçu de menaces. Je suppose que la personne s’en étant prise à moi était au courant de mes activités pour Aizawa et non des autres.
— Le chèque à la fin du mois vaut bien quelques sacrifices, j’avoue avec un certain détachement.
Posant le dossier sur son bureau, Curtis me lance un regard rapide.
Cet homme est réellement gentil. Lorsque les mots « espionnage » et « illégalité » ont commencé à flotter dans mon esprit, je m’imaginais en permanence un monde fait de murmures, méchanceté, danger et tensions.
Seulement mon supérieur direct est assez banal et mes missions n’ont rien de transcendant.
— Ecoutez, chuchote-t-il avant de marcher jusqu’à la théière, prêt à nous préparer une bonne infusion. J’ai confiance en Nael et travaille avec elle depuis des années. Et elle a parié sur le bon cheval avec vous.
La comparaison maladroite m’arrache un sourire.
— Mais je ne suis pas sûr que cela soit bien raisonnable…
— La plupart de mes missions consiste à récupérer des colis, des lettres, me coincer dans les cabines des toilettes en espérant écouter une information juteuse ou encore photographier les documents qu’Uryu laisse entre deux slips sales al…
— C’est exactement de ça dont je vous parle ! s’exclame-t-il vivement mais sans aucune agressivité, rebondissant avec hâte sur mes paroles.
Mes épaules se haussent tandis que j’inspire profondément.
— Vous avez la charge d’un gamin, êtes tiraillée entre continuer à prétendre que sa mère va revenir ou demander de l’aide aux services sociaux et en plus, vous vous trainez un porcinet dans les pattes !
J’avais prévu de quitter Uryu, réellement.
Mais quand celui-ci m’a appris, sans se rendre compte du poids d’une telle déclaration, que Shota avait quitté la ville et était rentré chez lui, sans un aurevoir, ma vision des choses s’en est vue changée.
D’abord, j’ai souhaité me venger en continuant à espionner son entreprise. Cependant, très vite, j’ai songé que je devais cesser de vivre dans le passé, en fonction de ce que les autres m’avaient fait.
Je me suis alors dit que le meilleur serait de quitter Uryu et cesser de penser à Shota… Mais je n’ai réussi à faire aucune de ces deux choses.
— Vivre avec Uryu n’est pas facile mais je dois avouer que ça facilite grandement le travail d’espionnage. Cet homme est abruti.
Curtis pose deux tasses entre nous. Je le remercie, posant mes paumes sur le récipient et laissant l’eau bouillante me réchauffer.
Il s’installe doucement.
— Je veux simplement m’assurer que vous alliez bien… Vous savez, ma fille n’a pas encore votre âge mais des cons qui lui pourrissent la vie, elle en a connu.
Oh, ça, je le sais…
Je ne suis pas vraiment du genre à déballer ma vie privée à mon patron. Pourtant, Curtis Monroe est au courant qu’Uryu est un « porcinet » qui empuanti ma vie mais que je le garde à mes côtés car son manque de sérieux me permet d’avoir accès à des ressources importantes. Tout simplement car je n’avais aucune idée qu’en parlant de mon petit-copain inutile à Maëlle, sa fille, cette dernière irait tout répéter à son père.
Ils se disent tout… Devi m’a prévenue à la seconde où elle a appris que je me confiais à la jeune femme.
Ce qui veut dire que l’homme en face de moi sait aussi que j’ai eu une aventure d’un soir avec le grand patron. Mais il a l’élégance de prétendre ne rien en savoir.
— Tout ce que je veux dire c’est que vous ne pouvez pas sacrifier votre bonheur pour un travail, aussi lucratif puisse-t-il être.
— Mais je suis heureuse ! Mes missions sont sans danger, je gagne bien ma vie, j’ai des amis superbes qui m’aident à prendre soin d’un gentil petit garçon !
Bien sûr, souvent, mes pensées dérivent vers Shota. Et mon estomac peut se nouer à l’idée que nous ne nous reverrons sans doute jamais. Cependant, je suis certaine que ces images seront moins douloureuses avec le temps.
Il grimace. Mes lèvres se pincent.
— Je n’aime pas bien cette nouvelle expression, sur votre visage…
— En parlant de missions faciles…
Oh, la gourdasse. Je me suis portée la poisse toute seule.
Il tire un dossier craft d’un tiroir, barré d’un tampon rouge. Je le laisse se lever, fermer la porte à clé — selon la procédure — avant de tirer une feuille de cette enveloppe.
Un code s’étale sous mes yeux. Mais je l’ai appris par cœur.
Pourtant, il me faut relire quelques fois l’énoncé s’étirant devant moi tant je suis peu sûre de sa signification.
— Mais… Pourquoi ? je chuchote, hébétée.
— Les missions faciles dont vous parliez font partie de votre période d’essai. Maintenant, vous allez devoir monter d’un niveau.
— Un niveau ? je m’exclame en écarquillant les yeux. Un seul ? Vous êtes sûr ? Il n’y a que deux niveaux, alors !
Ses épaules se haussent tandis que, les mains dans les poches, il se rapproche de la déchiqueteuse — dans laquelle nous allons broyer ce document.
— Il ne s’agit que de prendre en photo un bureau.
— Mais pourquoi faire, d’ailleurs ? je m’exclame, ahurie.
Il hausse les épaules.
— Je ne discute pas les ordres de la patronne.
Mes yeux roulent dans leurs orbites et je pousse un soupir.
— Allons, allons… Une photo d’un bureau, chuchote-t-il doucement. Ce n’est pas la mer à boire.
— Et bien, filez-moi une paille parce que prendre en photo un bureau est une chose mais prendre en photo ce bureau, c’est quand même un sacré processus !
Soupirant, je pince l’arête de mon nez en fermant les yeux.
— Il s’agit d’une entreprise d’armement en relation avec le gouvernement, vous êtes en train de me demander de voler des informations classées secret-défense !
Ouvrant les bras, je m’exclame, dépitée :
— Avouer que passer d’un dossier oublié entre deux caleçon sales à ça, c’est particulier !
Il acquiesce avant d’ajouter sombrement.
— Il est peut-être temps que vous découvriez la réalité de ce métier, (T/P).
Mes pensées sont avalées par le bruit de la déchiqueteuse avalant l’ordre de mission.
𔓘
je reviens après une semaine
et
j'espère que ce
chapitre vous aura plu !
on va prendre un sacré
tournant au niveau
des missions...
𔓘
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