chapitre 6 ; lorsqu'une petite voix te rattrape
𝐌𝐄𝐋𝐏𝐎𝐌𝐄𝐍𝐄
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chapitre six —— Lorsqu'une petite voix te rattrape
« And I see everyone gettin' all the things I want. »
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Sur le moment, elle n'avait pas réalisé ce qu'avait dit Akaashi. Elle était restée dans le flou et l'étonnement total, silencieuse, et le regardait juste droit dans les yeux. La bouche entrouverte, les sourcils légèrement froncés, les mots de son ami tournaient dans sa tête : "Je suis sûr que, toi aussi, tu ressens la même chose que ce que je ressens pour toi". Elle ne comprenait pas, ou plutôt, elle refusait de comprendre le sens de sa phrase, pourtant si clair.
Akaashi attendait. Avec une grande patience, comme il faisait preuve habituellement. Il restait de marbre, le regard planté dans celui de Kanon. Impassible et calme étaient sûrement les premiers traits de caractère qu'elle lui donnerait. Cela lui donnait un côté rassurant, elle se sentait toujours en sécurité près de lui. Comme si, avec lui, Kanon pouvait surmonter tous les dangers.
Elle savait ce qu'elle devait répondre. Pourtant, plongée dans les beaux yeux d'Akaashi, elle pouvait rester ainsi pendant des heures. Mais elle devait se resaisir, elle le devait pour lui. Alors elle s'efforça à réfléchir à ce qu'il lui avait dit, à aligner chaque mot et son sens, et réalisa enfin qu'il venait de lui déclarer subtilement qu'il l'aimait.
En l'apprenant, ses yeux s'écarquillèrent, sa bouche s'agrandit et son cœur cogna plus fort encore dans sa poitrine. Sa respiration s'accéléra, ses lèvres tremblèrent, une bouffée de chaleur la prit. Elle aimait Akaashi, il aimait Kanon. Un amour parfait, réciproque. Une lumière dans sa vie, une main qui se tendait vers elle, qui la sortait de ses sombres pensées. Elle se faisait aimée d'un amour sincère, sans artifice et sans problème. Akaashi avait été, ces derniers jours, la lueur qui l'avait fait éprouver tellement de bonheur et d'amour.
A ce moment, elle voulut embrasser Akaashi pour lui donner sa réponse. Elle voulait le faire, son cœur le lui ordonnait et lui hurlait. Mais elle n'y arrivait pas, elle était bloquée. Par quoi ? Kanon ne s'en rendit pas compte tout de suite, car plongée dans le bonheur de l'amour, elle ne faisait pas attention à sa petite voix dans sa tête, qui lui rappelait sans cesse son destin.
Celui de mourir. Celui de succomber à sa maladie dans peu de temps. Et qu'elle n'avait pas le droit de faire souffrir les autres.
Ainsi, lorsqu'elle entendit ce hurlement en elle qui lui rappela la dure réalité, son regard s'assombrit en un instant. La chaleur s'échappa de son corps pour laisser place à un froid glacial. Son cœur se calma, au point de ne presque plus battre. Les larmes voulaient monter à ses yeux, mais elle les refoula aussitôt. Elle ne voulait pas pleurer, pas maintenant, surtout pas devant lui.
Elle tenta pourtant de combattre sa petite voix en se rappelant la conversion qu'elle avait eu avec Hana : "Je peux donc vivre cet amour ? Je peux l'aimer même si je vais mourir ? Il ne m'en voudra pas ? Je peux te l'assurer". Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser le contraire. Ses principes lui dictaient toujours qu'elle ne pouvait pas aimer Akaashi, qu'elle n'en avait pas le droit.
Pourquoi Kanon s'était-elle alors sentie d'accord avec Hana à ce moment-là ? Pourquoi avait-elle pensé qu'elle pouvait aimer ? Était-ce l'amour qui lui avait donné de telles illusions, de tels mirages ? Kanon n'arrivait pas à se comprendre, elle était perdue. Être confrontée à la déclaration d'amour d'Akaashi l'avait ramenée durement à la réalité. L'adolescente se sentait terriblement mal : elle avait donné de faux espoirs à Akaashi, tout était de sa faute.
Elle osa finalement relever la tête vers celui qu'elle aimait. Elle devait lui donner sa réponse, mais sûrement pas celle qu'il attendait. Le garçon fronça les sourcils face à la réaction qu'il n'avait pas prévu. Et alors, Kanon lui adressa un faible sourire, en lui répondant :
— Nous sommes... de bonnes connaissances. Pardonne-moi, si j'ai pu te laisser imaginer quoique ce soit par mes actions.
Le cœur de la jeune fille se brisa en de milliers de morceaux au même moment. Ça y est, elle l'avait dit, elle ne pouvait plus revenir sur ses paroles, et elle les regrettait déjà. Pourtant, c'était la seule solution. Elle ne pouvait pas l'aimer, elle ne voulait pas le faire souffrir, il méritait une bien meilleure vie que celle de voir celui qu'elle aimait mourir dans quelques semaines.
Ce fut au tour d'Akaashi d'être plongé dans l'incompréhension. Il ne dit rien, n'y parvenait pas. Il aurait voulu l'harceler de questions, lui demander s'il avait bien entendu, s'il n'avait pas rêver, si elle ne lui faisait pas une blague de mauvais goût. Il était pourtant sûr que Kanon l'aimait, il en était certain, il ne pouvait pas se tromper. Tous les signes le montraient. Il voyait très bien comment elle le regardait : c'était un regard amoureux.
— Je vais aller payer la robe, tu peux m'attendre ?
Kanon n'attendit pas sa réponse, lui prit la robe qu'il tenait dans ses mains qu'il lâcha sans résistance, et partit en caisse. Elle pleurait de l'intérieur, hurlait de rage et s'en voulait amèrement de faire souffrir Akaashi. C'est un mal pour un bien. C'était ce qu'elle se répétait, comme pour se déculpabiliser.
Après avoir acheté la robe, elle rejoignit Akaashi. Il l'avait bien attendu à l'endroit convenu, son regard était devenu comme vide, brillait d'une lueur d'incompréhension intense. Kanon était trop mal à l'aise à cet instant, elle ne pouvait plus le regarder en face, pas après ce qu'elle lui avait fait subir. Alors elle regarda l'heure sur son téléphone, et prétexta :
— Oh, il se fait tard, je vais devoir rentrer chez moi. Merci de m'avoir montré cette boutique, elle était sympa.
— Oui...
— On se voit demain ?
— Oui...
Alors Kanon le salua sans même le regarder et s'en alla, le cœur déchiré.
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— Pourquoi...
Seule chez elle, Kanon pleurait toutes les larmes qu'elle avait gardées en elle depuis l'épisode de la boutique. Elle avait tenté de se calmer, mais en vain, les sentiments avaient pris le dessus et elle ne pouvait plus les arrêter. Alors elle s'était laissée aller, sans essayer de résister. Elle pensait avoir pris la bonne décision, même si elle aurait voulu tout l'opposé. Dans sa vie, elle n'avait jamais eu le choix, elle subissait son destin et rien de plus, elle survivait.
Elle ne s'était jamais vraiment plainte après avoir acceptée sa maladie. Elle se répétait qu'elle remerciait d'être en vie et de vivre un peu, de vivre un semblant de quotidien de quelqu'un de normal. Car elle repensait à des patients à l'hôpital qui eux, n'avaient jamais pu sortir. Alors, elle ne se plaignait pas, essayait toujours de garder le moral malgré les difficultés.
Mais son amour pour Akaashi, sa rencontre avec lui, avait tout bousculé. Son train-train quotidien avait été chamboulé par ses beaux yeux, sa personne. L'amour était un sentiment qui avait surgi, sans prévenir, l'avait troublée pendant si longtemps et la troublait encore aujourd'hui. Elle ne savait pas comment s'y prendre, tentait de rester sur ses convictions et ses principes de ne jamais s'attacher à personne, mais qu'il était compliqué, ce sentiment. Qu'est-ce qu'il l'embêtait, la perturbait et lui faisait perdre tous ses repères.
Hana avait bercée Kanon de douces illusions d'un amour possible avec Akaashi. La jeune fille aurait voulu la croire encore, vivre avec son ami comme si de rien n'était, mais la culpabilité et la peur l'avait rattrapée et la contrôlaient désormais. Maintenant, elle ne se laisserait plus avoir, elle resterait sur le droit chemin qui lui était destiné : celui de vivre le peu qui lui restait et seule.
Elle arrêta de pleurer, se dit qu'elle s'était bien trop tourmentée pour continuer à rester dans cet état. Kanon devait positiver à nouveau, se reprendre. Cela ne lui ressemblait pas de s'apitoyer sur son sort de la sorte.
— J'ai la chance de vivre, je dois la saisir et profiter, se dit-elle avec un faible sourire pour se rassurer.
En réalité, pouvait-elle réellement qualifier de "vivre" ? "Survivre" était bien le mot le plus approprié pour décrire ce qu'elle faisait chaque jour. Car elle luttait en permanence contre ses tourments, les refoulaient pour ne pas succomber, essayait de sourire chaque jour en se persuadant qu'elle devait profiter de sa courte vie, qu'elle était heureuse ainsi. Mais tout cela était faux, elle se le cachait à elle-même.
Et tôt ou tard, tout finirait par éclater.
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CHAPITRE 6 TERMINÉ
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