Chapitre quatorze.
( MARIGOLD ✶ Hôpital Ste Mangouste. )
Huit heures dix, la Mort n'a pas encore frappé.
C'est étrange, elle est pourtant partout ici. Il n'y a pas une étagère que sa cape ne recouvre pas ( c'est un Lethifold perdu dans le froid de l'Angleterre. Il erre dans les sous-terrain de l'hôpital ).
ㅡ Vous avez besoin de quelque chose ?
ㅡ Est-ce là bien le corps dont je dois m'occuper ?
ㅡ Oui. L'autre là-bas est un des patients, il est décédé hier. Vous pourriez bien vous occuper de lui, mais la famille n'a pas donné son accord.
ㅡ Je ne suis pas accréditée pour. Le corps, là-bas ?
ㅡ C'est une femme qui a été retrouvée il y a quelques jours. Assassinée par un des siens.
Venusia Baird désigne la silhouette recouverte d'un geste du menton. Son dédain est comme un poignard ( dirigé vers Silas, il frappe Marigold au passage. Elle saigne ).
ㅡ C'est la première fois que je dois m'occuper de quelqu'un... Comme lui.
ㅡ Qu'est-ce que ça vous fait ? Venusia demande. Il n'y a pas de ressentiment dans sa voix, cette fois, juste une curiosité profonde.
ㅡ J'ai du mal à imaginer un humain sous ce drap. Quelqu'un comme vous, et moi.
ㅡ Il n'y a rien de très humain chez lui, si vous voulez mon avis. Rien de très respectueux non plus, à le garder ici juste à côté d'elle. ( Venusia ne le sait pas, mais elle désigne Camille sous le drap. L'hémorragie ne s'arrête pas, le deuil coule à verse, Marigold tâche la pièce albâtre et pourrait mourir ici ).
C'est Medea Leach qui hoche la tête ㅡ mais Marigold se met au travail. Elle a déjà soigné les corps de ses amis, pour le compte de l'Ordre; et rien n'a besoin de changer ici. Silas n'est pas Silas ( rien qu'un macchabée entre-aperçu au détour d'une rue éclairée par les derniers rayons du soleil. Est-ce ainsi que les Dieux punirent son frère ? Voilà mis en lumière toute l'immondice de sa personne ㅡ son crime étalé sous leurs yeux comme une pièce de théâtre perverse ).
ㅡ Mrs Baird, pouvez-vous m'apporter la table roulante, là-bas ? J'ai besoin d'installer mes affaires.
Venusia grimace mais s'exécute dans le fracas de ses chaussures sur le sol en marbre. Le premier acte est terminé depuis longtemps, voilà la fin de l'entracte ㅡ les lumières faiblissent, le rideau se tire ; la pièce reprend.
ㅡ Depuis combien de temps est-il là ?
ㅡ Mh... Je dirais trois semaines ? J'en sais rien, je descends jamais ici. Il a mauvaise mine.
Marigold ne répond pas ; étale le contenu de son sac sur la surface en inox froid. Des gants s'étirent sur ses mains, c'est là toute la distance qu'elle impose à son frère ( la Mort rit alors ).
( MARIGOLD ✶ Devon. 1977 )
ㅡ Alors ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?
ㅡ Je ne suis pas sûre... Dumbledore pense qu'avec mon niveau en potions, je pourrais les aider.
ㅡ Avec ton niveau en potions, tu pourrais prétendre à plus. Beaucoup plus. Pourquoi est-ce que tu accepterais de jouer les guérisseuses pour eux ? ( Silas ne semble pas comprendre ㅡ pourtant le cœur de Marigold rugit sous sa poitrine. L'amour! C'est l'amour qui lui fait perdre la raison! )
ㅡ C'est une opportunité, Silas...
ㅡ Un sacrifice! C'est un sacrifice, sous toutes ses formes! Tu pourrais mourir, on te tuera pour ça.
ㅡ Je pourrais sauver des gens.
ㅡ Tu pourrais mourir en les sauvant. Alors, qui te sauvera ?
( L'Amour! C'est l'Amour qui la sauvera! ). Silas soupire, il comprend qu'il a perdu ce combat.
ㅡ Remus et Emmeline ont accepté le poste que Dumbledore leur a proposé, pas vrai ?
Marigold hoche la tête, elle a presque honte. Ses joues brûlent, ses yeux aussi.
ㅡ Grand-Mère et Grand-Père vont devoir fuir le pays. J'ai peur, Silas... Dumbledore... Il ne veut pas que j'aille me battre. Il est question de rester cachée, de soigner les vivants, d'embaumer les morts. Rien de compliqué.
ㅡ Goldie, la guerre, c'est compliqué. Tu acceptes de te mettre en danger pour quoi ? Pour rester proche de tes amis ? Est-ce que tu es sûre qu'ils soient vraiment tes amis ?
ㅡ Qu'est-ce que tu veux dire ?
ㅡ S'ils s'engagent dans cette guerre, es-tu sûre d'être toujours leur premier choix ? S'ils doivent choisir entre leur survie et toi ? Résister c'est déjà se battre, et tu n'es pas faites pour ça.
Marigold est assise sur le lit de son frère, Silas est debout au milieu de la pièce. Soudain, elle est froide, cette chambre ; froide et dénuée de souvenirs car il y règne un sentiment bien trop fort. Marigold ne comprend pas ㅡ elle est pourtant intelligente! Elle fait semblant de ne pas comprendre l'évidence que son frère agite sous son nez ( c'est son rôle en tant qu'aîné ). Marigold lui en veut, c'est pourtant tout ce dont elle a toujours souhaité. C'est l'Amour qui essaie de la sauver.
( MARIGOLD ✶ Hôpital Ste Mangouste. )
Le scalpel court sur la peau verdâtre, le long du bras de Silas. Ses paupières sont closes parce que Marigold y a laissé courir ses doigts ( quand elle a retiré le drap, deux orbites vides la fixaient. Ces deux-là semblent lourdes de non-dits ㅡ des reproches et des adieux ). La joue émaciée de Silas porte une marque violine, et Marigold se rappelle alors qu'un sorcier l'a frappé lorsqu'il l'a découvert.
ㅡ Je vais sortir ma baguette. J'en ai besoin pour déterminer comment il est mort.
ㅡ Qu'est-ce que ça peut faire ? Venusia ne comprend pas. Elle papilonne, fait semblant de ne pas voir l'atrocité qui s'étale devant elle.
ㅡ C'est la réglementation. Je ne sais pas si je dois agir différemment avec lui parce qu'il est... Parce que c'était un Mangemort. Je vous l'ai dit, c'est mon premier... comme lui.
ㅡ Oh, eh bien... Faîtes donc.
Marigold n'a pas attendu son accord. Un geste du poignet ; voilà qu'un linceul translucide recouvre la dépouille de son frère. Celui-ci semble fondre sur les os et la chair, mouler le corps d'une teinte blanchâtre ㅡ la sorcière ne s'en soucie pas. Elle tire une fiole de son sac, remercie Dorcas en silence, prie pour que Venusia ne sache rien des rites funéraires qu'elle est en train d'accomplir.
ㅡ Je peux vous parler honnêtement ?
ㅡ Je suppose ? Marigold répond sans trop d'entrain. Elle dessine différents symboles sur le visage de son frère.
ㅡ Je ne sais pas comment vous arrivez à faire tout ça. Je veux dire, il est vraiment dans un sale état, et... Je sais pas. Rien que de vous voir faire, j'ai des haut-le-cœur.
ㅡ C'est une question d'habitude et de détachement. Le détachement vient avec l'habitude, et les gestes deviennent mécaniques. Il n'y a pas énormément de travail à réaliser ici, parce que, comme vous l'avez dit, il n'est pas en bon état. On a souillé son corps et je n'ai pas le droit de réparer celà. C'est ce point-là, auquel je ne m'habitue pas.
ㅡ Lequel ?
ㅡ La cruauté de l'Homme.
( MARIGOLD ✶ Poudlard. 1977 )
Les courants d'air se faufilent dans les couloirs et y hurlent leur plainte quitte à faire de l'ombre aux fantômes ㅡ et si on en oublie le froid glacial qui règne, alors tout ce vacarme est bien utile quand on est une adolescente au cœur brisé! Personne n'est là pour vous écouter.
ㅡ Qu'est-ce que tu fais là ?
ㅡ Rien. Je veux être un peu seule.
ㅡ D'accord.
Silas n'a pas dû bien entendre, la faute aux bourrasques! Il s'assied à côté de sa sœur.
ㅡ Pourquoi tu restes là ?
ㅡ Parce que je ne pense pas que tu aies besoin d'être seule. Je peux me taire, mais je reste avec toi.
ㅡ Pourquoi faire ? T'as pas des amis qui t'attendent quelque part ?
( Silas ne réagit pas. Il sait que Marigold a dû mal à gérer sa colère. Il ne dit rien, il ne voit que les larmes sur les joues de sa petite sœur. Il en connaît secrètement la raison ㅡ le voilà en colère aussi ).
ㅡ Non. Personne de plus important que toi.
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