Le soleil descendait peu à peu, laissant lentement la place à l'obscurité sur Salem Village. Le peu de chaleur qui avait régné durant la journée disparut totalement et l'atmosphère déjà bien froide se fit encore plus glaciale. Une épaisse couche de neige recouvrait le sol en dehors des allées passantes et n'importe quel adulte qui s'en éloignerait aurait alors la poudreuse au niveau des mollets. Les enfants couraient entre les maison faites de bois en riant et se lançant de petites boules blanches à la figure tandis que leur mère les appelaient  pour venir dîner et s'insurgeaient de les voir revenir trempés jusqu'aux os. On pouvait deviner qu'elles allaient les sermonner des heures durant sur les risques de se promener dans cet état par ce froid, sous les yeux d'un mari qui se contenterait de manger son potage.

Une jeune femme marchait sans s'occuper de tout cela. Elle veillait à ce que personne ne la suive sans paraître trop suspecte. De temps en temps, un villageois la saluait et elle lui répondait avec un sourire en espérant qu'il ne se lance pas dans une conversation interminable.

Le froid transperçait sa peau malgré son châle en laine, mais elle n'en avait que faire. Tout ce qu'elle voulait, c'était se rendre dans la clairière, pas très loin du village, mais assez pour que personne ne la remarque.

La neige, couplée aux feuilles mortes et au branches, craquait sous ses pas dans le silence du soir. Pas un oiseaux ne se faisait entendre. De temps en temps, ce qui semblait être un lapin, un renard ou une biche passaient non loin, mais trop loin pour qu'elle puisse les voir.

Quelques minutes plus tard, la jeune femme atteint son point de rendez-vous. Elle ne voit personne à l'horizon, mais sait qu'il est là dans la pénombre.

- James ? appela-t-elle sans trop hausser la voix.

Les buissons se mirent à craquer quelque part devant elle. Le clair de lune illuminait l'espace dégagé, mais pas ce qui se cachait derrière les arbres.

Elle aurait pu avoir peur si elle avait pensé que c'était un animal, mais elle savait que c'était lui. Celui pour qui elle avait fait tout ce chemin en cachette.

- Tu es en retard, commenta l'homme, sorti de la pénombre. J'ai cru que j'allais mourir de froid en t'attendant.

Elle n'eut pas le temps de répondre qu'il l'entourait de ses bras et l'embrassait fiévreusement. La main gauche de James alla caresser sa joue et elle pu constater avec un sursaut qu'il n'exagérait pas. Elle était gelée.

Doucement, elle mit fin au baiser et prit les mains de son compagnon dans les sienne, essayant de le réchauffer comme elle pouvait.

- Tu m'as manqué Mariah, lâcha-t-il dans un murmure.

La jeune femme gloussa de plaisir et lui accorda un autre baiser.

- Tu m'as manqué aussi.

Il nicha la tête dans son cou et il restèrent ainsi quelques minutes, dans le silence de la nuit. Non loin d'eux, des blocs de neige tombaient des arbres, leur poids trop lourd pour certaines branches et les renards chassaient. C'était une nuit paisible, bien que glaciale, mais ils n'en avaient que faire. Ils ne s'étaient pas vu depuis plusieurs jours et avaient besoin de se retrouver.

- Tu as parlé à ta mère ? questionna soudainement le jeune homme.

Mariah se crispa instantanément. Non, elle n'avait rien dit à sa mère. Pas encore. C'était beaucoup trop tôt. De plus, elle vivait seule et avait besoin de son aide.

- J'ai encore besoin de temps, répondit-elle en fuyant les yeux gris de son amant.

- Ça fait déjà un mois, Mariah ! Il faudra bien que tu lui dise.

James commençait sérieusement à s'impatienter de la situation. Il lui avait demandé de l'épouser une lune plus tôt et avait prévu de l'annoncer à son père, lorsque sa fiancée en aurait fait part à sa mère.

Au début, il comprenait sa réticence. Ilda était une femme assez âgée qui vivait seule avec sa fille. Prendre un mari signifiait quitter le logement familial pour fonder une nouvelle famille. Mariah était trop habituée à vivre seule avec sa mère dont la santé commençait à décliner petit à petit. Le problème était que les gens commençaient à parler dans leur dos. Ils avaient beau essayer de se montrer discrets, leurs sorties crépusculaires dans la forêt commençaient à éveiller les soupçons. Surtout en période hivernale, pendant laquelle tout le monde se dépêchait de rentrer pour se mettre au chaud.

De plus, Mariah approchait tout doucement des vingt-cinq ans et était très proche de devenir une vieille fille. Même le pasteur avait pour objectif de la marier avant ce cap fatidique. La jeune femme ne faisait pas grand cas de cette situation, mais elle devait admettre que vivre tranquillement sa vie s'avérait compliqué dans un petit village où tout le monde y aller de sa rumeur. Elle sentait bien les regards lourds sur son passage. D'ordinaire, les jeunes femmes se mariaient entre quinze et dix-neuf ans. Il n'y avait que quelques exceptions et elles n'étaient pas bien vues dans la société.

Beaucoup de jeunes hommes la courtisaient depuis son adolescence, mais Mariah avait toujours refuser leurs avances. Elle n'avait pas le temps pour cela, sa mère passait avant tout... et son apprentissage aussi. 

Depuis ses treize ans, la jeune femme apprenait à diagnostiquer les maux et concocter des remèdes. Bien évidement, c'était sa mère qui lui enseignait son savoir, qu'elle avait elle même acquis par sa mère. En général, les femmes de savoir étaient encore moins bien vues que les exclus dans la société.

Une femme n'avait pas besoin de savoir lire ou de faire autre chose que s'occuper du foyer. Savoir et compétences étaient destinés aux hommes.

Malgré cela, Ilda avait réussi à se faire sa place en tant que guérisseuse. Et les encouragements de son mari, aux côtés de qui elle travaillait, les gens ont peu à peu cessé de la regarder comme un monstre.

Il restait bien évidemment les puristes, qui médisaient dans son dos, comme le pasteur et le chef du village. Leur entourage proche également. Les autres villageois savaient se montrer reconnaissants, malgré la pression de ses derniers.

James et elle se connaissaient depuis bien longtemps. Ils avaient pratiquement grandi ensemble. Le jeune homme s'était déclaré quelques semaines plus tôt, mais leur flirt durait depuis bien plus longtemps et c'est en partie pour cette raison qu'elle avait refusé les avances des autres garçons.

Annoncer leurs fiançailles à Ilda était la dernière étape avant de commencer les préparatifs et informer le reste du village.

- Je lui dirais ce soir. 

Cette promesse résonna dans le silence de la forêt.