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Au même moment, chez elle, Juliana commençait à s'inquiéter du retard de sa nièce. Elle lui avait pourtant dit de ne pas rentrer trop tard. D'autres personnes attendaient l'arrivée de l'adolescente. L'un d'eux était venu de très loin pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. La maîtresse des lieux avait récemment reprit contact avec de vieux amis de la famille et les avait invité. Sa journée avait été bien remplie, pendant que Mérilys s'occupait au village, elle avait préparé plusieurs gâteaux avec les ingrédients qu'elle avait acheté la veille et les fruits de son verger. Plus tard dans la journée, deux personnes étaient arrivées, heureuses de revoir la tante et la nièce. Le jeune homme et sa mère n'étaient pas venus les mains vides. Le fils tenait dans ses bras un bouquet de fleurs des champs qu'il avait cueilli juste avant de pénétrer dans la propriété et un coffret en bois d'ébène aux motifs travaillés.
Tout de suite, Juliana les avait fait rentrer et leur avait servi une tisane. Tous trois s'étaient installés autour de la table, couverte de farine et des pâtisseries confectionnées avec amour et avaient parlé chacun leur tour de ce qu'ils faisaient à présent. Le jeune homme posait beaucoup de question sur ce que Mérilys devenait, puis, laissant les deux femmes discuter entre elles, il était parti faire un tour sur la propriété qu'il connaissait comme sa poche. Rien avait changé.
Le jeune homme était resté un moment dehors, prenant quelques minutes à chaque endroit où il avait passé les meilleurs moment de son enfance avec la jeune fille pour se les rappeler. La nuit commençait à tomber lorsqu'il s'était décidé à rentrer. Sa mère et la tutrice de l'adolescente discutaient toujours, mais cette dernière n'était toujours pas revenue du village et la nervosité de Juliana en disait assez pour qu'il comprenne que ce n'était pas normal. La quadragénaire ne cessait de se frotter les doigts ou de triturer un morceau de sa robe. Ils attendirent encore, une heure, puis deux. Après tout, elle s'était peut-être attardée chez un villageois ou arrêtée en forêt pour ramasser des champignons.
Ne la voyant toujours pas revenir, le seul mâle de la pièce décida de partir à sa recherche. Il ne pouvait plus rester à l'attendre alors qu'il ne savait même pas si elle était bien saine et sauve.
— Mais les bois sont dangereux la nuit, protesta Juliana.
— Raison de plus pour que j'aille la chercher, rétorqua l'autre.
Sa mère se leva, s'apprêtant à le suivre, mais il l'arrêta d'un geste.
— Non mère ! Le voyage t'a épuisé, tu devrais rester ici avec Juliana. Au cas où elle reviendrait.
La quinquagénaire fit les gros yeux à son fils. Elle n'appréciait pas vraiment que l'être qu'elle avait mis au monde lui donne de ordres. Toutefois, elle devait reconnaître qu'il avait raison, elle se sentait las après cette longue route.
— Mais Al ! Tu ne peux pas partir seul à sa recherche dans cette forêt, protesta-t-elle quand même.
Le grand blond ne s'inquiétait pas pour cela, il avait quelques connaissances dans les environs, mais ils ne commenceraient pas par la forêt. D'abord, ils iraient frapper à toutes les portes du village pour savoir si quelqu'un avait remarqué quelque chose. Il embrassa sa mère et promis à leur hôte de revenir avec sa nièce avant de quitter la chaumière à vive allure. Le jeune homme s'enfonça profondément dans la forêt. Il ne suivait pas le chemin, mais il savait très bien où aller. Bientôt, il arriva près d'une chaumière qui paraissait toute petite de l'extérieur et abandonnée. L'illusion ne le trompa pas et il avança à grands pas. Il s'apprêtait à frapper contre la porte lorsqu'une voix d'homme provenant de l'autre côté de la minuscule demeure l'arrêta.
— Si tu frappes à cette porte, tu prends le risque de te faire incendier.
Le maître des lieux, qui avait reconnu le visiteur, s'approcha de lui et lui serra l'avant bras qu'il lui tendit. Cela faisait quelques mois que les deux hommes ne s'étaient plus revu. Ils avaient tout de même gardé le contact lorsque Pratviel était venu s'installer dans cette forêt avec Auriella, sa compagne et liée.
— Que viens-tu faire par ici à une heure si tardive mon frère ?
— J'ai besoin de ton aide, répondit le plus jeune. Tu te souviens de la jeune fille dont je t'ai parlé ? Mérilys, mon amie d'enfance. Elle n'est pas rentrée du village, continua-t-il après confirmation de son confrère. Cela fait plusieurs heures que nous l'attendons avec sa tante. Nous sommes très inquiets.
Pratviel fronça les sourcils et passa une main dans ses cheveux sombres. Lui qui était venu se réfugier dans la forêt, coupé de tout, pour être tranquille, même au milieu de nul part, sa compagne et lui n'obtenait pas satisfaction. Cependant, il ne pouvait refusé la demande du jeune homme. Une gamine avait disparu. Ce n'était certes pas ses affaires, mais le grand blond devant lui avait l'air tellement inquiet qu'il accepta sans discuter.
Le trentenaire savait beaucoup de choses sur l'adolescente, de par les récits de celui qui la connaissait le mieux, mais il avait besoin de plus d'informations. Il lui posa donc plusieurs questions sur ce qu'elle faisait au village et avec qui elle était. Le jeune homme répondit ce qu'il savait. Songeur, le plus âgé fini par entrée dans la maisonnette sans dire un mot pour en ressortir quelques instant plus tard, accompagnée d'une belle femme aux longs cheveux blonds et à l'air ensomeillé.
— Que se passe-t-il Alakesh ? demanda-t-elle d'une voix fatiguée.
Le jeune blond raconta à nouveau l'histoire, avec une pointe d'impatience dans la voix. Il aimait beaucoup Auriella, mais plus ils restaient à parler, moins vite ils retrouveraient son amie. Lorsqu'il eût terminé, la jeune femme était bien réveillée. Elle retourna dans la chaumière et ressorti très peu de temps après, vêtu d'une robe simple et de sa cape. Elle n'avait pas mis sa robe noire habituelle, celle-ci était reconnaissable.
— Tu viens avec nous ? demanda Alakesh, surprit.
La jeune femme le regarda en biais.
— Nous ne serons pas trop de trois, répondit-elle. Et puis vous aurez certainement besoin de mes talents à un moment où à un autre. Ne perdons pas de temps !
Sans plus attendre et sans même prendre un instant pour se repérer, la jeune femme avança d'un pas léger, mais rapide à travers les arbres. Les deux hommes la suivirent, non sans s'être lancé un regard, interrogateur pour l'un et amusé pour l'autre. La petite troupe arriva rapidement au sentier qui traversait les bois et le suivi en faisant le moins de bruit possible. Ils devaient se montrer très attentifs à ce qui les entourait, sans quoi, ils passeraient à côté de quelque chose d'important. Ce n'est que plusieurs minutes plus tard qu'Auriella s'arrêta net sur le chemin regarda autour d'elle, les sourcils froncés. Il s'était passé quelque chose ici.
— Je ressens la peur à cet endroit, dit-elle avant que l'un ou l'autre des hommes qui l'accompagnaient n'ait eu le poser le moindre question.
Sa découverte inquiéta Alakesh bien plus qu'il ne l'était avant. Était-ce ce qu'avait ressenti son amie ? Au fond de lui, il espérait que non.
— Est ce que tu peux nous en dire plus ? s'enquit-il. Sur ce qui a causé cette peur, ou la personne qui a ressenti cela ?
La femme aux cheveux d'or secoua la tête.
— Hélas non, mais les émotions sont comme une piste pour moi et je peux facilement suivre celle-ci.
Sans un mot de plus, elle tourna la tête à droite et se précipita dans cette direction, quittant le chemin pour s'enfoncer dans les sous-bois. Son mari et l'ami de celui-ci à ses trousses. La petite troupe évoluait rapidement à travers les arbres évitant avec une facilité déconcertante les branches basses et les ronces. Au bout de quelques minutes, Auriella s'arrêta à nouveau et tourna la tête de tous les côtés, elle cherchait quelque chose.
— Je ne sens plus rien, murmura-t-elle. La piste s'arrête ici.
Le plus jeune senti son désespoir et sa colère grandirent au fond de lui. Sans pouvoir s'en empêcher, il frappa dans l'arbre le plus proche sous le regard inquiet du couple. Le choc se répercuta jusque dans son épaule et il grimaça.
— Cherchons encore !
Alakesh dépassa la jeune femme et chercha à taton n'importe quel indice qui leur permettrait de retrouver la jeune fille. Son bras le faisait atrocement souffrir et sa main recouverte de sang et d'échardes ne lui permettait pas de faire grand chose.
— Nous n'avons aucune certitude que ce soit les émotions de ton amie que nous avons suivi, tenta Pratviel.
— Mais nous n'en avons pas non plus que ce soit un inconnu, protesta le blondinet. Mérilys est peut-être en danger, nous n'avons aucune idée de l'endroit où elle se trouve, ni des personnes qui pourraient être avec elle.
Il se sentait terriblement coupable. S'il était resté à ses côtés quelques années plus tôt, rien de tout cela ne serait arrivé. S'il n'avait pas suivi son père, son amie serait en sécurité, chez elle à fêter son anniversaire avec ses proches. Les larmes commencèrent à couler sur le visage d'Alakesh. Il ne pouvait les retenir. Il était sur le point de la revoir après un long moment à vivre de l'autre côté du royaume et quelqu'un avait trouvé le moyen de lui refuser ces retrouvailles. Auriella qui regardait la scène, fatiguée, puisa dans ses forces et fit apparaître un globe lumineux entre ses mains. Il était juste assez puissant pour éclairer quelques mètres autour d'eux, sans se faire remarquer depuis le sentier.
— Que fais-tu ? demanda son compagnon, les sourcils froncés. On risque de te voir.
— Pas ici, protesta la sorcière en commençant une inspection plus poussée des alentours. La piste s'est arrêtée, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas quelque chose qui pourrait nous aider.
Elle prit une longue branche et vint la planté, avec un peu de magie, à l'endroit où elle se trouvait précédemment et la boule de lumière s'éleva au dessus du morceau de bois pour éclairer un peu plus la zone.
— Ça, c'est l'endroit à partir duquel il n'y a plus rien, indiqua-t-elle. Nous allons nous séparer et nous montrer très attentifs, mais avant cela, Alakesh montre-moi ta main !
Le jeune homme s'exécuta et tandis son membre blessé en grimaçant. Avec douceur, la sorcière plaça ses mains au dessus et commença à chantonner dans une langue étrange. Les morceaux de bois logés dans la chaire endolorie se retirèrent un à un pour retomber sur le sol et les zones meurtries se refermèrent. La douleur disparue peu à peu et le jeune homme pû à nouveau bouger les doigts comme s'il n'y avait rien eu. Il remercia la sorcière et parti de son côté. Pratviel et Auriella le regardèrent s'éloigner. La jeune femme était épuisée après cet effort pourtant moindre et elle dû s'appuyer sur son compagnon pour garder son équilibre.
— Tout va bien ?
Le grand brun était inquiet pour elle. Il l'avait vu utiliser des sorts demandant bien plus d'énergie et dans des situations autrement plus compliquées, jamais elle ne lui avait paru aussi faible. Auriella acquiesça, bien que la tête lui tournait et qu'elle avait des haut-le-cœur. Elle ferma les yeux sous l'œil attendri de son compagnon et dès qu'elle se senti un peu mieux, elle parti dans une direction différente de celle qu'avait prit leur jeune ami. Cependant, elle n'eût pas le temps d'aller bien loin, le jeune homme en question les appela et le ton de sa voix était pressant.
— Venez voir !
Le couple se dirigea prestement vers lui et lorsqu'ils le virent, Alakesh leur tournait le dos, agenouillé au sol et frottant ses doigts les uns contre les autres avec ce qu'il semblait être une matière visqueuse et brune, dans la pénombre, étalée dessus. Le jeune homme approcha la main de son nez et huma l'odeur.
— Du sang, confirma-t-il au nouveaux arrivants. Il n'y en a pas assez pour qu'on s'inquiète de la gravité de la blessure, toutefois nous ne savons pas ce qu'il est arrivé.
C'était la seule piste qu'ils avaient et c'était déjà bien grand lorsqu'on avait une sorcière à proximité. Cette dernière, s'approcha et scruta le sol, là où se trouvaient les traces de sang. La jeune femme tandis le bras derrière elle et la boule de lumière qu'elle avait invoqué s'approcha jusqu'à venir se placer au dessus de leurs têtes. Auriella inspectait minutieusement le sol et le tronc de l'arbre devant lequel ils se trouvaient. Son regard s'arrêta sur quelque chose qu'aucun d'eux n'aurait pû voir dans la pénombre. Cela ressemblait à de très fins fils de couleur cuivre. Des cheveux. La jeune femme les décrocha de l'écorce et les examina. Ils étaient très longs et leur couleur évoquait celle des flammes dans lesquelles on brûlait les femmes comme elle. Du sang imprégnait aussi une extrémité de ses fils cuivrés.
Alakesh s'était rapproché et observait aussi la mèche de cheveux dans la main de son amie.
— Méri à les mêmes cheveux roux, avoua-t-il d'une voix blanche.
Auriella se releva, convaincue elle aussi qu'il s'agissait bien du sang et des cheveux de la jeune fille. La signature énergétique était la même, celle d'une adolescente.
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