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La nuit fût très longue pour la jeune fille qui ne pû fermer l'œil. Son corps entier n'était que douleur et son ventre, tordu par la peur et la faim. Impossible de dormir dans de telles conditions. Au petit matin, on ne lui donna à manger que les maigres reste des soldats qui campaient un peu plus loin. L'un d'eux avait jeté dans sa cage une écuelle d'os rongés, dont il ne restait que quelques morceaux de chaire. Effrayée par les regards goguenards, elle ne pû toutefois pas s'empêcher de se précipiter pour avaler le peu qu'on lui donnait, sous les rires narquois et les remarques acerbes. Cela ne suffit pas à calmer les tourments de son estomac, mais elle devait s'en contenter. Ces soldats n'étaient visiblement pas près à lui donner autre chose.
Lorsqu'elle eût fini, elle s'approcha de la grille qui la séparait de l'extérieur, en prenant bien soin de ne pas la toucher. Elle avait encore le souvenir de sa cuisante expérience de la veille. Sa gorge était nouée et pendant un instant, elle crû qu'aucun son ne sortirait de sa bouche.
— Je souhaiterai voir votre chef, prononça-t-elle, la voix enrouée et faible.
Elle fut toutefois assez forte pour que les cinq soldats les plus proches puissent l'entendre. Ces derniers s'arrêtèrent net dans leurs tâches, qui consistaient à charger les chevaux avec tout un paquetage : couvertures, sacoches de nourriture... Pensant qu'ils n'avaient pas compris sa demande, elle répéta d'une voix plus forte et qu'elle espérait assurée. Les hommes se regardèrent entre eux avant d'éclater de rire. La jeune fille reconnu parmi eux celui qui lui avait rendu visite la veille. L'homme au visage fermé et au regard impénétrable était désormais hilare et se moquait de sa demande.
— Qu'est ce que tu lui veux ? cracha un blond à la voix bourrue.
La jeune fille n'appréciait pas vraiment le ton employé par cet homme, mais elle devrait s'y faire, car elle se doutait bien qu'elle resterait en leur compagnie encore un moment et les convaincre de la relacher ne serait pas facile.
— Laissez-moi partir, implora-t-elle. Je vous en prie ! Je ne suis pas une sorcière !
Un autre éclat de la part des soldats lui fit comprendre qu'ils ne la croyaient aucunement, ils se moquaient d'elle.
— Elles disent toutes la même chose. Ces créatures ne veulent visiblement pas retourner dans les Ombres dont elles sont sorties.
Les rires s'amplifièrent, attirant l'attention des autres hommes qui s'affairaient dans le camp.
— Auraient-elles peur de rencontrer leur Créatrice ? continua le soldat hilare.
Les rires se propagèrent au sein de la troupe. Mérilys sentait la colère monter en elle, la peur ayant presque totalement disparue. En colère d'avoir été enlevée par ces trois hommes, en colère d'être enferméé, tel un animal, en colère d'être ainsi raillée et humiliée. Elle ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Tout ce qu'elle voulait depuis petite, c'était faire sa vie tranquillement, chez sa tante, à l'aider dans la préparation et la livraison des remèdes. Et au lieu de cela, elle était dans une cage dont les barreaux lui brûlaientla peau sans qu'elle ne sache pourquoi et se retrouvait avec des hommes certains d'avoir attrapé une sorcière.
Des larmes de rage s'écoulèrent le long des joues de la jeune fille, ravivant les picotements liés aux brûlures de la veille. Une irrésistible envie de casser tout ce qui se trouvait à sa porter s'empara d'elle. Mérilys chercha autour d'elle, il n'y avait dans sa prison que la gamelle et les os que les soldats lui avaient laissé. L'adolescente attrapa le récipient et l'envoya se fracasser contre le métal qui la privait de sa liberté, répendant son contenu sur le sol de bois. Les hommes furent prit d'une nouvelle vague de rire devant le désarroi de la jeune fille, ce qui ne fit qu'acroître sa colère, lui coupant littéralement le souffle. Le vent qui s'élevait peu à peu ne l'aidait pas à le reprendre, mais elle savait ce qu'elle devait faire. Plus jeune, elle faisais souvant des crises de ce genre, la dernière remontait à la disparition d'Alakesh. Elle était tellement en colère contre lui ce jour là, que sa respiration c'était bloquée. Juliana avait eu très peur qu'elle finisse par mourir asphixiée et l'avait donc obligée à compter à voix haute jusqu'à ce qu'elle se calme.
Ce procédé, permettait à la jeune fille de se concentrer sur ce qu'elle disait et occulter ce qui la tourmantait. Commençant à manquer d'oxygène, elle s'assit au centre de sa prison, veillant à ne pas toucher aux barreaux dont elle était entourée. Elle ne voulait pas subir de nouvelles blessures. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine et posa sa tête sur ces derniers avant de fermer les yeux et commença à compter à voix basse. Elle ne voulait surtout pas déclencher de nouveau rires chez les soldats. Ces derniers étaient vite retournés à leurs occupations en voyant le ciel s'assombrir rapidement. Ils devaient repartir au plus vite.
— ... quinze, seize, dix-sept...
Petit à petit l'air pû de nouveau entrer dans les poumons de Mérilys, mais dans son esprit, c'était toujours la tempête. Elle ne savait pas où ils l'emmenaient, en revanche, elle savait très bien ce qu'il allait lui arriver si elle ne trouvait pas un moyen de les convaincre. Il allait forcément y avoir un jugement. Ce serait sa dernière chance. d'ici là, la jeune fille espérait pouvoir parler à un ou deux soldats et leur faire comprendre qu'elle n'était pas une maudite sorcière.
Ses pensées se tournèrent vers Juliana. Elle devais être terriblement inquiète de ne pas voir sa nièce rentrer. Était-elle parti à sa recherche ? Elle espérait que non et que ce soit quelqu'un d'autre qui s'en charge. Si elle réussissait à la trouver, sa tante ne pourrait rien faire face aux soldats et serait elle-même accusée de sorcellerie. Non, elle devait prévenir les gens du village, bien que la jeune fille doutait qu'ils se déplacent pour elle, une adolescente appréciée uniquement de par la profession de sa tutrice. Mérilys devait se faire à l'idée, elle allait devoir se débrouiller seule. Elle était appréciée pour elle même uniquement des personnes âgées. Les autres villageois gardaient leurs distances avec elle. Même quand la jeune fille aidait sa tante à distribuer ses remèdes, elle sentait bien qu'elle n'était pas la bienvenue. La raison ? Helkar. Un garçon de son âge qui la persécutait depuis qu'il la connaissait.
Le jeune homme s'amusait à colporter des rumeurs à son sujet. Il employait des mots peu flatteurs et entièrement faux, mais la plupart des villageois les pensaient réels et la tenaient éloignées de leur famille. L'adolescente imaginait mal les vieillards se lancer à sa recherche, même si certains n'hésiteraient pas.
Au bout de ce qui lui semblait être une éternité, le convoi pris enfin la route. Elle ne l'avait pas remarquer avant, mais les chevaliers étaient peu nombreux. Ils étaient une petite vingtaine à entourer sa prison. Un à droite, un autre à gauche et les autres répartis entre l'avant et l'arrière. Elle pouvait forcément en convaincre un ou deux de son innocence et peut-être qu'il la laisserait partir. De cela aussi elle doutait. Ces hommes étaient plus disposés à la traîner sur un bucher sans preuves que de la laisser s'expliquer. Cependant, si elle n'essayait pas, elle serait condamnée.
Mérilys était décidée. Elle les harcela toutes la journée à leur expliquer quelle n'était pas celle qu'ils pensaient. Si au début, les soldats lui riaient au nez, ils perdirent très vite patience et se montrèrent menaçant. Ils n'hésitaient pas à frapper les barreaux de fer avec leurs épées dégainées d'un air menaçant. Cependant, cela ne fit pas taire l'adolescente et elle continua à plaider son innocence jusqu'à ce qu'ils firent une pause, bien des heures plus tard lorsque le soleil fut à son zénith. Le chef en avait assez de l'entendre. Il mit pied à terre, dégaina son arme et avança à grands pas vers la cage qu'il ouvrit brusquement, l'air mécontent. Sans qu'elle puisse faire le moindre geste, l'homme lui donna un grand coup du pommeau de sa lame sur le crâne et Mérilys perdit connaissance... Encore.
— Enfin un peu de silence, marmonna quelqu'un.
Des rires gras suivirent cette remarque. Les guerriers firent boire leurs montures, gardant tout de même un œil sur la gamine inconsciente, avant de reprendre leur route dans le plus grand des calmes.
Un seul d'entre eux lançait fréquemment des coups d'œil en direction de la prison roulante, s'assurant discrètement que la jeune fille respirait encore.
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