7
L'air s'était bien rafraichi depuis le début de la journée et ce, malgré le soleil éclatant. Le vent s'était levé, provenant du nord, la partie la plus froide du continent. Le convoi continuait sa route, sans se soucier de ce changement. Les soldats ne semblaient même pas le remarquer. Quant à la prisonnière, sa cape et sa robe, toutes deux dans un sale état ne la réchauffait guère. Elle était transie et tremblait de tous ses membres. Le seul avantage qu'il y avait à ce froid était que la douleur qui s'était emparée de tout son être avait pratiquemment disparu. Ce n'était plus qu'une légère sensation. Le corps entier de la jeune femme était engourdi, la raison n'était pas uniquement la température exterieur, mais elle aidait grandement.
Personne ne faisait attention à elle. Le claquement de ses dents n'affolait aucun des hommes autour d'elle. Cela ne la surprennait pas. Pour quelle raison ces soldats du roi, gardiens et protecteurs du royaume, se soucieraient d'un monstre ? De plus, accorder le moindre intérêt à une personne suspectée de pratiquer la sorcellerie pouvait mener à une arrestation. Peu importe le statut social de cette personne. L'adolescente grelottait donc en silence, tentant de faire le moins de bruit possible. Elle ne voulait pas se faire assomer une quatrième fois. Elle avait déjà du mal à se remettre des trois dernières. Sa vision était partiellement trouble. Elle distinguait clairement les couleurs, mais les contours étaient flous. La jeune fille devait se concentrer pour faire la différence entre chaque soldat.
Un seul des hommes présents remarqua, ou plutôt, se préocuppa de la vision qu'offrait l'adolescente. Quand bien même elle était ce qu'ils craignaient, il trouvait le comportement de ses camarades inhumain. Même sorcière, elle restait une gamine. A ce moment-là, elle donnait plus l'image d'un petit animal blessé et effrayé que d'une soi disant créature vouée aux ténèbres. Elle lui faisait pitié, mais il ne pouvait pas agir tout de suite. Jetant un autre regard vers la cage, il la vit recroquevillée sur elle-même, à essayer de se tenir chaud. Il ne pouvait supporté cela plus longtemps et tenta quelque chose auprès de son supérieur.
— Elle va mourir de froid si on ne fait rien.
L'homme lui jeta un regard dédaigneux avant de tourner son attention sur la captive. Il renifla de dégoût en observant le pitoyable spectacle qu'elle lui offrait, mais ne fit rien du tout.
— C'est tout ce que ces sorcières méritent, répondit-il, fier.
Le comportement du capitaine répugnait la soldat. Il n'osait croire qu'un être humains qui prétendait protéger son pays puisse se montrer aussi... Il n'avait même pas les mots tellement c'était ignoble. Il ne pouvait tout de même pas la laisser ainsi ? En tout cas, lui n'allait pas abandonner.
— Elle mourra donc sans être jugée, renchérit-il. Une sorcière dont l'âme ne sera purifier ni par l'eau, ni par le feu. Etes-vous certains de vouloir cela ?
Purifier, ce mot lui écorchait les oreilles. Ces imbéciles, qui croyaient aveuglément le tyran qui les gouvernait, pensaient sérieusement qu'une sorcière perdrait ses pouvoirs si on lui gardait la tête sous l'eau ou que l'on brûlait sa chaire. Comme si ses femmes persécutées pouvaient s'en débarrasser en prenant un bain ou en allumant une cheminée. Ils étaient persuadés que si elle mourrait d'une autre manière, la défunte reviendrait sous une autre forme pour se venger.
Ses mots eurent l'effet escompté. Le chef de la petite escouade hésita, mais fini par arrêter la colonne d'un geste de la main.
— Puisque son sort t'importe tant Versoli, cracha-t-il assez fort pour que la majorité puisse l'entendre. Donne lui ta cape !
Le dénommé Versoli dissimula tant bien que mal son sourire triomphal aux yeux du capitaine, plus suspicieux que jamais. La nouvelle recrue mit pied à terre sous les regards d'incompréhension de ses comparses et s'approcha à grand pas de la cage. L'homme afficha un air supérieur en faisant face à la jeune fille qui n'avait même pas remarqué l'arrêt du convoi. D'un geste vif, il décrocha le tissus qui pendait de ses épaules et le balança à travers les barreaux. L'adolescente sursauta. Elle se rendait enfin compte que sa prison ne bougeait plus et que le martellement des sabots avait cessé. La prisonnière leva les yeux vers celui qui lui montrait enfin un peu de considération, mais se figea devant la cruauté qu'affichaient ses traits.
— Tu es pitoyable ! cracha-t-il. Mets ça, il ne faudrait pas que tu meurs avant ton jugement.
En silence, la jeune fille tandis sa main tremblante et attrapa le vêtement qu'elle inspecta un instant. Sous le regard insistant et froid du soldat elle la passa sur ses épaules et baissa la tête. Elle craignait les coups qu'elle pouvait recevoir. N'importe quel prétexte était bon pour se défouler sur la sorcière. L'homme se détourna de l'adolescente et remonta en selle, la tête haute. Il ne pouvait pas en faire plus pour l'instant. La suite devrait attendre... du moins, s'il y en avait une. L'arrestation de cette gamine n'était pas prévue. Il allait avoir du mal à s'en tenir au plan initial. Tant pis, il improviserait en tant voulu.
Après ce petit spectacle, la troupe reparti enfin dans un joyeux vacarme. Certains se moquaient de leur frère d'armes trop sensible, d'autres discutaient de ce qu'il feraient en rentrant à la capital. La plupart d'entre eux n'avaient pas de famille et n'en voulaient pas plus que cela. Ils ne souhaitaient pas s'encombrer d'une femme et de marmots. Pour leurs petits plaisirs, il y avait les putains. C'est d'ailleurs au bordel de la ville qu'ils comptaient se retrouver, une fois que leur supérieur les aura libérés de leurs obligations. Ethoriel ne souhaitait pas en entendre plus. Partis comme ils l'étaient, les soldats allaient un à un raconter leur exploits sexuels avec telle ou telle prostituée et il n'avait pas très envie de savoir qui de Dioza ou Lorelia était la plus douée. L'homme se ferma donc à la conversation et se concentra sur ce qu'il avait à faire, mais, cela n'empêchait pas certaines bribes d'arriver à ses oreilles.
— Quand elle se sert de sa bouche, disait l'un. Tu atteints les nuages.
— Et elle, elle a un cul à faire pâlir une reine, se vantait un autre.
Cette conversation plus que sérieuse sur les prouesses des filles de joie dura un très long moment. Elle ne prit fin que lorsque le chef annonça qu'ils feraient bientôt une pause. Quelques minutes plus tard, la colonne s'arrêta aux abord d'une rivière. Les hommes descendirent de leur monture et les laissèrent boire, tandis qu'ils se dégourdissaient les jambes et organisaient des petits combats, avec ou sans armes.
Mérilys observait le spectacle depuis sa prison, légèrement en retrait. Elle vit les hommes se rendre coups pour coups les attaques de l'autre. Elle vit un cercle de soldat se former en riant autour des adversaires, pariant chacun sur celui qu'ils pensaient être vainqueur. Seuls deux d'entre eux ne participaient pas à la joute. Le chef, qui n'avait pas estimé la jeune fille assez digne pour se présenter et ce chevalier qui lui avait donné la cape qu'elle portait toujours serrée contre elle. Le premier observait ses hommes chahuter, un sourire amuser aux lèvres, quant au deuxième, il surveillait les montures de ses camarades. La jeune fille sembla remarquer quelque chose dans le comportement de ce dernier. C'était certainement son imagination, mais elle plissa les yeux pour mieux voir. Il lui semblait que le regard du soldat volait fréquemment entre ses frères d'armes, son supérieur et... elle .
Non, elle ne se trompait pas. La jeune fille surprit de nombreuses fois l'homme en train de la regarder avant de se retourner vers le chahut. Surprise, la jeune fille senti une lueur d'espoir l'envahir. Cet homme n'était visiblement pas un adepte des méthodes de son chef. Si elle arrivait à lui parler, il pourrait l'aider à s'échapper. Mais un autre problème se présentait. En effet, si l'adolescente avait remarqué les coups d'œil de ce chevalier, elle avait aussi du capitaine dans leur direction. Ils étaient très discret, mais Mérilys n'avait rien d'autre à faire en dehors d'observer. L'homme qui s'était montré odieux avec elle était discret, mais ses agissements ne lui avaient pas échappé. Il les surveillait tous les deux.
— Versoli ! s'exclama soudain le chef, narquois. Pourquoi ne rejoindrais-tu pas tes camarades ?
Le visage du soldat se crispa légèrement. Il n'avait aucune envie de se joindre à eux. Gaspiller son énergie de la sorte, très peu pour lui. Ils avaient encore du chemin à faire avant d'arriver et il ne pouvait se permettre ce genre de fatigue. Il devait rester alerte.
— Je veille sur les chevaux et la sorcière, répondit-il poliment. Une autre fois peut-être !
Ethoriel pensait que cette excuse suffisait pour avoir la paix, mais cela ne découragea aucunement l'homme, dont le sourire sardonique s'étirait. Les soldats autour de lui l'encouragèrent à corps et à cris.
Le petit nouveau n'eut d'autre choix que de se plier à leur exigence. Varok le gardait à l'œil. Il devait gagner sa confiance et ce, rapidement. Peut-être était-ce le meilleur moyen d'y arriver. Cependant, il devait canaliser sa force, car s'il montrait ce dont il était vraiment capable, cela donnerait une raison de plus au capitaine de le garder à l'œil. Le soldat s'avança vers le groupe, sous les acclamations de ses frères d'armes. C'était un combat à mains nues, il retira donc la ceinture portant son épée et la tandis à l'un des hommes, Esmoral, s'il se souvenait bien. Un autre soldat fit de même et s'approcha du centre de l'arène improviser. Ce n'était pas le plus costaud, mais sa carrure était tout de même imposante. Bien plus que celle d'Ethoriel, qui paraissait maigrichon et faiblard à côté de lui. Parfait, ce serait plus facile que prévu.
Leur armure allait bloquer leur mouvement, les deux combattant s'en défirent donc, aidés de leurs camarades et se retrouvèrent en simple pantalon et chemise en toile. Ethoriel se mit en garde et attendit. Il n'allait certainement pas attaquer en premier, il allait étudier la technique de son adversaire et riposter en conséquence. Ce dernier semblait avoir la même idée puisqu'il ne frappa pas immédiatement. Ils se jaugeaient l'un et l'autre, impatients, les mains relevées à hauteur de poitrine, prêts à parer les coups. L'homme face à Ethoriel fini par perdre patience. Avec un rictus sournois, il lança son poing devant lui, de toutes ses forces, espérant sans doute envoyer le nouveau au tapis du premier coup. Ce dernier n'eut aucun mal à esquiver l'attaque et frappa la poitrine de son adversaire avec son pied. Il n'avait pas mis toute sa force dans son attaque et ne réussi pas à déstabiliser le soldat qui enchaina avec un autre coup de poing à l'estomac. Encore une fois, Ethoriel l'évita, de justesse cette fois ci, mais il n'eut pas le temps de contre attaquer. Le soldat face à lui ne s'arrêta pas là et frappa à nouveau.
Le jeune guerrier ne chercha pas à esquiver et le prit le coup de plein fouet au visage. La douleur ne se manifesta pas tout de suite, mais la collision fut brutale et il s'en retrouva étourdi. Il ne vit pas le prochain arriver. Celui-ci fut porté au niveau de l'estomac et lui coupa la respiration, l'impact le faisant se courber. Le chevalier fit de son mieux pour reprendre son souffle et se redresser. Son adversaire le laissa faire, estimant qu'il gagnerait facilement, même s'il lui laissait une chance. Alors il frappa, encore une fois, sans y mettre toute sa force, mais en prenant tout de même assez d'élan pour déstabiliser l'autre soldat. Ce dernier vacilla légèrement, surprit de cette nouvelle force, mais se reprit bien rapidement en envoyant son pied dans l'abdomen de son frère d'armes.
Les exclamations fusaient autour des deux combattants, scandant le nom de chacun d'eux, signe d'encouragement. Ethoriel paraît les coup comme il le pouvait, mais il se retrouva bien vite à genoux, près à recevoir le coup de grâce. Celui-ci ne tarda pas et quelques secondes plus tard, l'homme se retrouva face contre terre. Le vainqueur leva les point en signe de victoire et fut acclamé par la petite troupe. En bon adversaire, il tendit la main à Ethoriel qui peinait à se relever dans le but de l'aider. Le soldat la pris, non sans le remercier et redressa avec difficulté, le corps endolori par les coups. Le vaincu jeta un coup d'œil furtif vers son supérieur et fut satisfait de son effet. Le petit sourire sournois du capitaine Varok était la preuve qu'il avait réussi à se faire passer pour un débutant.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Com