Voleuse!
Notre petite Leila passa un beau jour un important cap dans sa vie. Vint en effet le fameux premier jour d'école, moment autant excitant pour les enfants que pour leurs parents! C'est ainsi qu'à six ans la fillette fit son entrée dans la cour de récréation d'une petite école primaire située à une vingtaine de minutes à pieds de chez elle, au bas du bidonville où elle vivait toujours avec son père. Ce dernier, bien que très sévère, prit tout de même la peine de l'accompagner en ce jour si spécial et souhaita même bonne chance à sa fille après avoir doucement caresser son crâne. Derrière son masque froid, Monsieur Laranjeira ne pouvait pas nier qu'au fond cela lui faisait tout drôle de voir sa fille entrer à l'école. Comme beaucoup de parents il avait l'impression que peu de temps auparavant elle était encore un petit bébé. Et c'est toujours avec un petit pincement au coeur que l'on se rend compte que le temps passe bien trop vite, tellement vite qu'il manqua d'arriver en retard à son travail dans un supermarché. Pendant qu'il gagnait tant bien que mal de quoi le nourrir lui et sa fille, cette dernière apprenait les chiffres et les lettres, les animaux et bien d'autres choses encore. L'on lui apprenait même quelques mots d'anglais, au point qu'au bout du premier trimestre la petite fille savait se présenter presque convenablement! Juste son accent était encore à travailler, bien que son anglais était compréhensible. Son instituteur, un homme adepte de la main de fer dans un gant de velour, voyait du potentiel en son élève malgré la mauvaise habitude qu'elle avait à être souvent dans les nuages.
Mais l'école ne se résumait pas uniquement au travail. C'est avec joie qu'elle adorait retrouver ses amis et passer ses récréations en leur compagnie. C'est d'ailleurs avec eux qu'elle revenait tout les jours de l'école, escortée par les plus grands qui approchaient pour certains de leurs dix ans. C'était toujours des petits moments de liberté, loin de son père qui était encore au travail et ne pouvait donc pas la surveiller. Les enfants gambadaient alors tranquillement dans les rues animées du favélas. Parfois ils faisaient un petit détour par le marché local non loin de là admirer les caisses remplies de fruits, légumes et autres marchandises colorées. Malheureusement n'ayant pas d'argent, ils ne pouvaient que regarder avec envie ces fruits à l'apparence si alléchante. Parfois, avec un peu de chance, ils tombaient sur un marchand ou une marchande de bonne humeur qui leur en offrait un en guise de goûter. Après cela la petite fille allait au choix jouer avec ses amis dans son quartier, soit retrouver Mama Abella qui l'aidait à faire ses devoirs et la surveiller jusqu'au retour de son père le soir. Cette dernière ne l'assignait pas sur le travail, comprenant que l'école était une chance et une possible clé pour l'avenir de sa petite protégée. Elle veillait ainsi à ce que tout jours la fillette faisait ses devoirs et apprenait bien ses leçons. Elle l'aidait à apprendre son alphabet, compter et faire des petites additions, et même à lire un petit peu. Seul l'anglais était la matière où elle ne pouvait pas l'aider, ne parlant pas un mot de cette langue. Après tout cela Leila retrouvait sa maison et son père, toujours avec une certaine crainte que la soirée se passe mal...
En effet Leila avait beau grandir et s'assagir, notamment grâce à son éducation à l'école et par Mama Abella, Monsieur Laranjeira n'avait toujours aucune réelle patience avec sa fille. La moindre petite faute pouvait lui coûter cher, de la simple réprimande à une gifle, voir dans les pires des cas à des coups de ceintures. Et c'est de façon tout à fait paradoxal que plus le temps passait et que Leila s'assagissait, plus son père la violentait. Il faut dire que ses fréquentations douteuse et sa situation précaire n'y aidait pas. Il n'était pas rare qu'après le travail ce dernier allait boire avec ses amis pour oublier ses soucis, parfois plus que de raison. Il aurait même une fois touché à ce qu'il décrivait comme de la poudre d'oublie, quitte à sacrifier ses bien maigres économies. Quand Monsieur Laranjeira rentrait plus tard que d'habitude, la fillette savait d'avance ou avait été son père et que malheureusement elle allait devoir redoubler de vigilance, son père ayant le coup de ceinturon plus facile dans ces moments là.
-Cet homme là il va vraiment mal finir un jour... Disait froidement Mama Abella en l'observant revenir du travail. Il n'y a qu'à voir sa tête, c'est de pire en pire!
-Il ne s'occupe pas bien de lui... Constatait tristement l'enfant. Il ne s'occupe pas non plus de la maison, il ne la nettoie jamais. Avant maman elle le faisait et c'était plus propre...
-En voilà un beau cochon... S'exaspérait alors la vielle femme qui ne pouvait que mépriser cet homme. Ah! Si ce n'est pas malheureux tout ça...
La petite fille avait beau faire mine que tout allait bien, au fond elle ne pouvait que confirmer cette dure réalité. Son corps souvent parsemé d'hématomes divers ne pouvait que témoigner de cette situation de plus en plus terrible...
Mais malgré toute la bonne volonté du monde et un entourage veillant à son bon comportement, Leila restait une enfant avant tout. Et, comme nous le savons tous, cela était synonyme de bêtises. En général ses rares bêtises relevaient plus de la maladresse que d'une action consciente et réfléchie. Mais un jour la fillette se laissa tenter et s'en tira au final avec une leçon qu'elle ne fut pas prête d'oublier!
Souvent, lorsque l'après-midi elle rentrait de l'école avec ses amis, le petit groupe passait devant divers petits commerces: des bars, des bureaux de tabacs et autres supérettes en tout genre. L'un d'eux attirait particulièrement leur attention du fait qu'il contenait un véritable trésor pour tout les enfants, et pas des moindres: des confiseries. Bonbons, caramels, sucettes... À chaque fois qu'ils passaient devant le groupe d'amis salivait d'envie à la vue de toutes ces douceurs. Malheureusement tout cela avait un prix et c'était bien cela le problème. Rien n'est gratuit dans la vie, et hélas l'argent leur faisait cruellement défaut. Si au départ les petits s'en allèrent simplement légèrement dépité à l'idée de ne pas pouvoir profiter de ces confiseries, au fil du temps la tentation se faisait de plus en plus grande. Elle le fut tellement qu'ils finirent par trouver un audacieux moyen de contourner les règles afin d'avoir leurs précieux bonbons: voler.
L'idée vint des plus âgés de la bande, dont un qui en avait pris la mauvaise habitude. Ce firent eux qui allèrent dans un premier temps se procurer de façon frauduleuses les délicieuses confiseries, puis ils se mirent à apprendre aux plus jeunes à faire de même. Malicieux, les enfants tournaient ainsi chacun leur tour afin de ne pas attiser les soupçons en envoyant à chaque fois la même personne dans ce petit magasin dépourvu de caméras de surveillance, leur donnant ainsi le champs libre. Leila n'était guère confiante, désapprouvant même d'abord cet acte. Mais la gourmandise était trop forte, ayant raison de sa bonne volonté. Et puis ils ne piquaient que quelques confiseries, ils ne faisaient pas un braquage se rassurait-elle. Cela tenait la route dans sa logique d'enfant, mais comme beaucoup de son âge elle n'avait aucune notion de la valeur de l'argent, ni de la gravité de son acte. Elle semblait tout de fois en avoir conscience vu comme elle était toujours anxieuse quand l'un de ses amis allait passer à l'acte, priant comme tout les autres qu'ils ne se fasse pas prendre.
Puis un beau jour ce fut à son tour d'apprendre cette sale besogne. Refusant au départ, l'effet de groupe fut plus fort et elle abdiqua après quelques reproches de la part de ses amis qui la traitaient de peureuse et de lâche. C'est donc peu fière d'elle et craintive que, accompagnée d'un des plus âgé de la bande, elle pénétra dans le magasin. Le vendeur, un homme dans la cinquantaine assis derrière un comptoir, les salua poliment avant de replonger le nez dans son journal.
-Il ne risque pas de faire attention à nous si il préfère lire les informations. Chuchota avec amusement son ami avant de lui faire signe de la suivre. Viens, tu vas m'aider.
La petite fille hésita grandement. Elle pouvait encore à tout moment renoncer et s'en aller, mais elle était prise au piège. D'un côté son ami se faisait pressant et insistant, et de l'autres le reste des enfants les observaient avec attention à l'extérieur. Tous comptaient sur elle maintenant, elle ne devait pas les décevoir. Elle commençait à trouver cette situation ridicule. Tout cela pour de vulgaires bonbons... Mais elle savait qu'en se désistant elle allait se faire railler par les autres enfants, voir mise à l'écart et moquer pour sa lâcheté.
-Leila, tu te bouges? S'impatienta son ami.
La pauvre petite en sursauta presque avant de se dépêcher de le rejoindre.
-Qu'est-ce que je dois faire? Demanda-t-elle finalement.
-Tu vois les bocaux et les cartons? Chuchota-t-il? Tu prends autant de bonbons que tu peux et tu les mets dans tes poches. Moi je fais le guet et je vais distraire le vendeur si il le faut.
Leila hocha la tête en guise de réponse. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle allait faire ça et pourtant. Encore un peu hésitante, c'est plus ou moins forcée par son ami au elle osa finalement plonger sa main dans un des cartons. Elle en sorti quelques bonbons qu'elle s'empressa de fourrer dans la poche de sa robe. Elle s'empressa ensuite de jeter un œil au vendeur qui était toujours autant obnubilé par son journal. C'est avec surprise qu'elle trouva qu'en fin de compte ce n'était pas si compliqué que cela et moins effrayant que cela en avait l'air. Prise d'une certaine confiance, elle replongea sa main dans un carton et répéta l'opération. Ses poches se retrouvèrent bientôt bien remplies, pour le plus grand bonheur de son ami qui passa à la seconde phase du plan: il s'en alla dans un rayon au hasard et fit mine de ne pas arriver à atteindre un article placé assez haut afin d'attirer l'attention du vendeur qui vint l'aider. Cela devait ainsi laisser à Leila le temps de s'éclipser rapidement sans que le pauvre vendeur ne se rende compte de la supercherie. Un exercice plutôt simple en pratique, tout se passa d'ailleurs plutôt bien et dehors les enfants se frottaient déjà les mains en s'imaginent déjà se faire un bon petit goûter. Mais Leila se montra un petit peu trop gourmande à la vue de petites sucettes placées un peu plus haut. Elle voulu s'en prendre une avant de prendre la fuite, mais tout ce qu'elle réussi à faire était de faire tomber le bocal qui se brisa en mille morceaux sur le sol. Immédiatement le vendeur se tourna en direction de ce vacarme et, autre l'effet de surprise en voyant tout ce désordre, il ne tarda pas à comprendre le subterfuge en voyant les poches bien remplies de la petite fille.
-Cours! Hurla soudain son ami.
D'un habile geste, le garçon évita de justesse le vendeur qui tenta de le stopper en l'agrippant par son t-shirt. Il se dépêcha de quitter le magasins sous les cris furieux de ce dernier, suivit de près par Leila qui, sous le coup de la panique, avait mit du temps à prendre une décision. Ces quelques secondes de réflexions lui coûtèrent cher puisqu'en plein étant elle senti soudainement une main l'attraper violemment par le bras, la stoppant dans sa course.
-Et où tu crois aller comme ça toi? Gronda le vendeur en la fixant d'un regard noir. Attends que je m'occupe de toi sale petite voleuse!
-Lâchez moi! Lâchez moi! Sanglota-t-elle, complètement terrorisée.
-Hors de questions! Je vais t'apprendre à voler, tu vas voir! Répliqua férocement l'homme tout en la traînant de force vers le comptoir. Attends que j'appelle la police!
À ces mots la pauvre enfant perdit toutes ses couleurs et redoubla de sanglots. Elle savait ce que voulait dire le mot police et ce que cela allait impliquer. Complètement paniquée, elle avait beau s'excuser, pleurer et supplier, le vendeur n'avait guère l'attention de céder.
-Pitié, pas la police! L'implora-t-elle en larmes. Je ne veux pas aller en prison! Pitié!
-Si! Ça te fera le plus grand bien! S'entêta l'homme qui avait déjà saisi le combiné du téléphone. Les vauriennes comme toi il faut les enfermer et les dresser avant que ça ne deviennent des criminelles en grandissant!
-Je vous en supplie monsieur, pas la police! Continua la pauvre enfant. Je vous jure que je ne recommencerai pas!
-Mais oui, c'est ça! Ironisa-t-il. Et à peine je t'aurai relâcher que tu reviendras voler!
-Non! Je vous promets que je ne le referai plus! Plus jamais je ne viendrai ici même! Je ne ferai plus jamais ça!
Mais l'homme semblait bien déterminé à lui faire regretter son geste. C'est horrifié que Leila le vit lentement composer le numéro de la police, la regardant pleurer d'un air presque satisfait. Cependant il n'appuya pas sur le bouton pour téléphoner, laissant ainsi Leila continuer de le supplier presque à genoux. La pauvre petite était tellement terrorisée qu'elle ignorait qu'en réalité l'homme n'allait rien faire de tout cela, se contentant juste de lui donner une bonne leçon en lui faisant une belle frayeur. Face au repentir de l'enfant, il fit donc mine de se ressaisir et, à la place, gronda sévèrement Leila avant de la forcer à lui rendre toute la marchandise qu'elle lui avait volé. Cette dernière vida immédiatement ses poches et, une fois toutes les friandises rendues et de sincères excuse, elle se dépêcha de quitter le magasin, craignant que le vendeur ne revienne sur sa décision. Elle retrouva un peu plus loin ses amis qui, pour éviter d'être pris, avaient fuit. Inquiets, ils s'étaient hâtés de lui poser toutes sortes de questions sur ce qu'il s'était passé. Heureusement plus de peur que de mal et c'est soulagés, mais bien perturbés, que les enfants rentrèrent bien sagement chez eux. En voyant Leila bien silencieuse, Mama Abella se douta qu'il s'était passé quelque chose. La fillette n'eut d'autre choix que d'expliquer sa mésaventure à la vielle femme qui la gronda aussi pour son acte et lui donna une bonne leçon de moral. Culpabilisante, elle promit de ne plus jamais recommencer une chose pareille et elle semblait avoir bien compris la leçon.
Si elle ne l'avait pas compris, et bien de toute façon elle l'aurait fait une fois son père rentré. Naïve comme elle était, Leila pensait que juste le vendeur savait pour cette histoire et qu'il allait peut-être l'oublier un jour si elle restait sage. Ce qu'elle ignorait c'est qu'elle avait commit une grosse erreur en allant voler dans cette boutique qui n'était autre que le centre d'approvisionnement de son père quand il voulait des cigarettes. Les deux hommes se connaissaient bien et le vendeur avait immédiatement reconnu Leila. Afin d'être sûr que cette dernière ne recommence plus ses bêtises, il avait alors informé Monsieur Laranjeira de l'incident. C'est furieux qu'il rentra chez lui, bien décider à en découdre avec sa fille. Rien qu'à son regard la fillette savait qu'elle allait passer un mauvais moment, ne sachant même pas au départ pourquoi il était ainsi en colère. Malgré les supplications de Mama Abella, c'est par l'oreille qu'il traîna la pauvre enfant jusqu'à la maison puis sa chambre...
La nuit fut longue pour la malheureuse fillette qui avait bien cru mourir sous les coups de son père ce soir là. Battue et humiliée, elle fut aussi privée de dîner, Monsieur Laranjeira suggérant qu'avec ses bonbons volés elle avait déjà assez mangé. Le lendemain matin, c'est avec horreur que ses amis la retrouvèrent complètement abattue, mais surtout couverte d'hématomes quand on soulevait les manches de son haut, témoignant ainsi de la violence du cruel châtiment qu'elle avait subi. La pauvre eut même du mal à manger, sa lèvre encore douloureuse et légèrement gonflée suite à un coup de ceinture au visage, ayant même ouvert légèrement cette dernière. Le sort de leur camarade suffit à les tourmenter suffisamment pour qu'à partir de ce jour il ne se risquèrent plus à voler. Le prix à payer pour cette bêtise était en effet bien effrayant...
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