Eden poussa un soupir de soulagement lorsque la journée prit fin. Elle n'avait pas touché à son assiette pendant le diner et était retourné dans son dortoir dès qu'elle y avait été autorisé. Elle tournait en rond comme un lion en cage, comme un oiseau prisonnier entre des barreaux. Son esprit était trop tourmenté pour qu'elle puisse trouver la paix, ses pensées naviguaient vers des eaux noires, la faisant suffoquer. Incapable de trouver le sommeil, la jeune fille fini par quitter la pièce lorsque ses camarades de chambre furent endormies.

Elle traversa les couloirs silencieux et froids et monta les marches menant au toit. Le froid lui mordit les joues mais ça ne l'arrêta pas. Eden s'allongea et leva les yeux vers le ciel parcouru d'étoiles scintillantes qui lui firent monter les larmes aux yeux.

— Pardon, murmura-t-elle dans un souffle.

Elle était une déception et imaginait ses parents la juger depuis les cieux, voir à quel point leur fille n'était pas celle qu'ils avaient voulu. Une larme roula le long de sa joue suivit par une seconde puis par un flot incontrôlable. Eden glissa la main dans sa poche et prit la petite fiole que Cormac lui avait glissé discrètement durant le cours de métamorphose. Elle observa le liquide tourbillonner à l'intérieur puis retira le bouchon et vida la substance au fond de la gorge.

L'effet fût immédiat. Son corps se relâcha et ses pensées disparurent. Elle ferma les yeux, se laissant emporter par la légèreté qui l'enveloppa. La fiole glissa de sa main et roula sur le sol avant de chuter dans le vide. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ses iris étaient dilatées et elle avait l'impression de voir le monde avec des couleurs vives. Elle leva la main et y vit un arc-en-ciel j'y enrouler, lui arrachant un rire.

Ses yeux voyaient ce que le liquide lui donnait. Des étoiles, une licorne et elle vit même un goblin danser sur le dos d'un lion. Plus rien n'avait l'importance, ses pupilles étaient démesurées, elle avait l'impression d'avoir la vision d'un chat. Eden se leva, aussi légère que si elle flottait et s'approcha du vide. Elle tendit un pied dans l'air et chancela, poussée par le vent.

Elle se rattrapa maladroitement et éclata de rire. La jeune fille s'éloigna du rebord et tourna sur elle-même, un sourire béat affiché sur le visage avant de se laisser tomber lourdement sur le sol. Elle ferma les yeux et flotta sur un nuage aussi doux qu'une barbe à papa. Cependant, une sensation étrange brûla dans ses veines, remontant dans sa gorge et lui assécha la bouche. Sa tête bascula, aussi lourde que du plomb. Eden s'éleva et fit quelques pas mais ses jambes se dérobèrent sous elle.

Elle s'effondra, sa tête heurtant un tuyau. Un bruit sourd résonna mais elle était déjà inconsciente, une mousse blanche s'échappant d'entre ses lèvres.

Mattheo se plia en deux lorsqu'une douleur lui déchira la poitrine. Il porta une main sur son cœur, haletant. Quelque chose n'allait pas et ça ne venait pas de lui. Une peur glaciale s'empara de lui qui le força à avancer en direction du toit. C'était comme s'il n'avait plus le contrôle mais il avait parfaitement conscience d'où il allait. Il poussa la porte, le vent fouettant son visage et il avança.

La douleur s'intensifia à mesure qu'il marchait puis, il se figea. Une masse sombre gisait sur le sol et il reconnu la chevelure flamboyante d'Eden.

— Eden !

Il se précipita et tomba à genoux devant elle, la retournant. Il regarda avec effroi la mousse blanche qui avait coulé sur son menton et il lui souleva la tête. Sa main rencontra quelque chose de chaud et lorsqu'il la regarda, son souffle se coupa. Du sang. Il y avait du sang partout.

— Non, non, non, Eden ! Eden !

La panique l'empêchait de penser correctement. Ses doigts tremblants touchèrent le visage de la jeune fille, descendirent le long de sa gorge et s'arrêtèrent contre son pouls. Un soupir de soulagement le quitta. Elle était encore vivante. Mais il ne savait pas pour combien de temps. Il n'avait jamais fait d'overdose et encore moins une blessure à cet endroit de la tête. Mattheo souleva Eden et grogna.

Il se dirigea vers la porte et dévala les escaliers aussi vite qu'il le pu. Chaque seconde comptait, surtout qu'il ne savait pas depuis combien de temps elle était dans cet état. Il devait trouver son frère, lui seul pouvait l'aider parce que sa classe était plus prêt que l'infirmerie dans les étages inférieurs. Il pria pour que celui-ci soit toujours là bas, à corriger des copies.

— TOM, hurla-t-il désespéré.

Il surgit dans la salle de classe, les jambes menaçant de le lâcher.

— Pourquoi Est-ce que tu cries comme –

Eden.

— Elle fait une overdose, souffla Mattheo. Et sa tête, elle .. elle a dû se cogner et ..

Tom se releva brusquement et ordonna à Mattheo de déposer Eden sur son bureau. D'un geste, il balaya ce qui encombrait la table pour que son frère puisse l'y mettre. Bien que son visage restait impassible, son esprit tourbillonnait à toutes vitesse. Il se dirigea à grandes enjambées vers une armoire et la fouilla jusqu'à trouver un bézoard. Il retourna à son bureau, ouvrant la bouche de Eden.

— Qu'est-ce que tu fais ? ! s'exclama Mattheo.

— Je lui sauve la vie, lâcha Tom, si tu écoutais en cours, tu ne poserais pas de questions aussi idiotes.

Sans un mot de plus, il enfonça le bézoard dans la gorge de Eden. Il essuya la mousse blanche qui avait coulée de la bouche de la jeune fille et, se rendant compte du regard de Mattheo, retira sa main. La peur lui broyait le ventre, pas pour elle, essayait-il de se convaincre mais à cause de son plan et de la manipulation qu'il devait exercer sur elle.

Une petite voix dans sa tête lui sussurra qu'il mentait mais il l'a repoussa, refusant de penser qu'il avait peur pour Eden. Toutefois, la colère se mêlait à la peur et il releva les yeux vers son frère.

— C'est toi qui lui a donné de la drogue ? siffla-t-il. C'est pour ça qu'elle agit comme ça depuis des jours ?

— Je ... Je ne pensais pas –

— Regarde le résultat !

Mattheo baissa les yeux en les sentant se mettre à le piquer. Il rangea ses mains tremblantes dans ses poches, poignardé par les mots de son frère. Si Eden mourrait, il ne pourrait jamais se le pardonner. Tom souleva la tête de la jeune fille et sentit le sang chaud sur sa main.

Il pesta et retourna vers son armoire pour prendre du gaze et de quoi la soigner. Il s'attela avec soin au travail. Soudain, la rouquine se mis à convulser et elle se redressa. Se penchant, elle vomit sur le sol.

Haletante, le corps brûlant, elle se laissa retomber sur le bureau. Sa gorge brûlait, acide et la tête lui tournait. Désorientée, elle cligna plusieurs fois des yeux.

— Maman ..., souffla-t-elle faiblement.

Tom se pinça les lèvres et ne pu résister à l'envie d'effleurer son visage. Il la toucha à peine, une caresse aussi légère que celle d'une plume. Mattheo se crispa mais ne dit rien. Eden frissonna, ses yeux se posèrent sur les deux visages penchés au dessus d'elle et elle reconnu les frères Riddle.

— On dirait que vous assistez à un enterrement, murmura la jeune fille.

— On a bien failli, répondit Tom.

Eden grimaça. Elle ne réalisait pas encore ce qui c'était passé. Elle se redressa et la nausée la saisit alors, elle se rallonga.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle.

— Je t'ai trouvé sur le toit, expliqua Mattheo. Tu as fait une overdose et tu t'es cogné la tête. Je t'ai emmené ici et Tom ... Tom t'a sauvé.

Une grimace se forma sur son visage alors qu'il avouait cela à voix haute. Admettre que son frère avait sauvé la fille dont il était désespérément amoureux lui coûtait cher. Tom apporta un verre d'eau à Eden et nettoya le vomi sur le sol d'un coup de baguette.

— Vous auriez pu mourir étouffée, gronda-t-il, ou tomber du toit. Puis-je savoir par Merlin pourquoi avoir pris autant de drogue, Miss Marks ?

C'était difficile de lui parler comme à une élève mais Mattheo ne devait se douter de rien. Eden eu l'impression d'être une enfant qu'on grondait. Elle se mordit la lèvre et grimaça en sentant la pulsion de sa tête là où elle s'était cognée.

— Parce que c'est la seule chose qui me fait oublier, avoua-t-elle. J'ai besoin d'en prendre ! Et ne regardez pas Mattheo comme ça, ce n'est pas sa faute. C'est Cormac qui m'a donné une dose, Matty – Mattheo n'a rien fait.

La tension entre les deux frères était palpable. Si Eden était dépendante à la drogue, c'était elle la seule responsable. Elle aperçu de l'inquiétude dans le regard de Tom et la culpabilité la saisit. Il l'avait sauvé. Il aurait pu la laisser mourir mais il avait préféré la garder en vie. Le jeune homme détourna les yeux et se tourna vers son frère.

— Retourne dans ton dortoir, dit-il. Je dois m'entretenir avec Miss Marks.

Mattheo protesta cependant, Tom ne céda pas et ne voulant pas que cela perturbe encore plus Eden, il s'éloigna en lui jetant un dernier regard. Lorsque la porte se referma, le jeune professeur regarda Eden.